La photo en images animées

La série « Photo » propose un cours d’histoire de l’art sur les mouvements majeurs de la photographie. Avec ludisme, ce volume I aborde en 1h40 la photo surréaliste, la nouvelle objectivité allemande, les primitifs et la mise en scène, de façon « animée ».

L’instigateur de cette collection s’appelle Luciano Rigolini. Le même amoureux de la photographie qui orchestra la série « Contacts » traitant de la démarche artistique des plus grands photographes contemporains qui commentaient eux-mêmes leurs images. Ici, dans « Photo », il est question des mouvements importants qui jalonnent la pratique de cet art, de son invention à aujourd’hui. Pour concevoir et réaliser cette série, Rigolini fait appel à Stan Neumann, réalisateur aguerri et inventif, amateur éclairé de photo, qui n’en est pas à sa première collaboration pour Arte (« Architectures »). Un travail effectué, main dans la main avec Quentin Bajac, fraîchement nommé à la tête du département photo du MoMa de New York, ici conseiller scientifique, mais également en collaboration avec un jeune homme talentueux, Pierre-Emmanuel Lyet, qui signe le graphisme des animations de la série. Une forme qui contribue à sa compréhension, son originalité, mais aussi à son ludisme et son esthétique, marquant ainsi son identité même.

Dans l’œil du photographe
Via les animations, la photo est disséquée et inspectée à la loupe. Avec humour, le recours à cet outil met en lumière la construction de l’image, les choix du photographe, les accidents, ainsi que les subterfuges et secrets de fabrication. Sous nos yeux, l’image se fait et se défait. Et le paroxysme est poussé jusqu’à imaginer à quoi la photo aurait pu ressembler autrement, conduisant ainsi le spectateur à « se mettre à la place du créateur, dans le viseur ou sous le drap noir », souligne Qentin Bajac, avec en toile de fond, au travers des mouvements abordés, un même questionnement : « le type de négociation que la photo entretient avec le réel », précise S. Neumann. Une réalité dont les photographes surréalistes, aiment s’amuser : Man Ray par la solarisation, Kertész à l’aide de miroir déformant (1933), Raoul Ubac par le brûlage grâce auquel prend forme La nébuleuse (1939) dont le corps semble recouvert d’un pelage contrasté. À l’inverse, dans la Nouvelle Objectivité allemande, le couple Becher s’applique dès 1968 à un inventaire du monde industriel en disparition, avec pour principe de cadrer l’objet en entier, par temps gris, sans personnage. Un travail documentaire, proche de la photo judiciaire. Ce même couple formera à l’École de Düsseldorf, Thomas Ruff, Candida Höfer, Andréas Gursky, et Petra Wunderlich. Parmi les primitifs de la photographie, Édouard Baldus n’attendra pas Photoshop pour intervenir dès 1851 sur sa photo de la galerie est du cloître St-Trophime d’Arles.

Véritable leçon d’archéologie, Stan Neumann révèle, en décortiquant cette image à la fois belle et simple de prime abord, sa complexité avec ses onze négatifs aux raccords peints ! Dans le dernier volet, le réalisateur A. Nahum pointe les formes variées de la mise en scène, de Meatyard (créant le trouble avec ses masques d’Halloween), à Michals (dont la photo s’inscrit dans le temps du récit) ou encore Adams (et ses ellipses à combler). « L’histoire de la photo est encore jeune. Elle est en train de s’écrire » souligne Q. Bajac. Deux autres dvd de cette série ne sauraient tarder.