MP 2013

Heureux qui comme Ulysse…

Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2013 - 646 mots

Une exposition-fiction embarque les visiteurs avec un Ulysse intemporel pour faire escale dans 11 ports qui ont façonné l’héritage méditerranéen. Ambitieuse, elle séduit malgré des maladresses.

MARSEILLE - Pour sa première grande exposition, la capitale européenne de la culture Marseille-Provence 2013 a choisi de naviguer dans les eaux de la Méditerranée de l’antique Troie jusqu’à la cité phocéenne du XIXe siècle, en pleine expansion coloniale. Pour l’occasion, un Ulysse fictif est convoqué, escortant le visiteur dans une Odyssée à travers les siècles, une « exposition-fiction » selon les termes des organisateurs, entre mer et terre, d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Onze étapes constituent ce voyage, onze escales, où est évoqué « l’entassement des civilisations » : Troie, Tyr, Athènes, Alexandrie, Rome, l’Andalousie, Venise, Gênes, Istanbul, Alger et Tunis, pour finir le voyage, bien évidemment, à Marseille. L’exposition, très ambitieuse, affiche clairement la volonté de confronter œuvres patrimoniales et vision contemporaine, histoire et questionnement moderne, sans se départir d’un objectif pédagogique et didactique, mais elle ne réussit pas toujours ces alliances.
Dans le cadre industriel et maritime du J1, vaste entrepôt prêté par le port de Marseille pour 2013, la scénographie très tranchée s’appuie sur des conteneurs noirs pour créer des séquences autonomes présentant chaque ville de manière chronologique. « Dans ces étapes historiques, nous avons cherché ce qui était le plus familier pour nous dans chaque séquence », explique Yolande Bacot, commissaire de l’exposition : de Tyr, l’émergence de l’écriture, d’Athènes, les origines de la démocratie.

Le fil rouge de l’exposition, Ulysse, est mis en valeur par la présence de maquettes d’embarcations : à Tyr, une petite terre cuite représentant un navire marchand punique se détache devant le port de Marseille. Ces petites trouvailles scénographiques fonctionnent correctement, même si à la longue, la présentation de ces embarcations peut lasser le visiteur. La médiation écrite a été particulièrement soignée, grâce à des textes très synthétiques : présenter rapidement la ville d’Alexandrie à l’époque des monarchies hellénistiques est un défi que l’exposition relève avec brio, expliquer les alliances complexes de Gênes au XVIe siècle et la naissance du capitalisme également. Certaines villes ou régions sont certes moins bien traitées que d’autres : Venise et l’Andalousie sont évoquées trop brièvement, avec trop peu d’œuvres. Les quelque 171 œuvres patrimoniales, pour certaines exceptionnelles – à l’image de cette amphore attique du peintre d’Antimenes présentant Achille et Ajax jouant aux dés, un épisode de l’Iliade illustrant Troie – sont censées dialoguer avec les films du réalisateur égyptien Malek Bensmaïl.

Revisiter l’histoire
La confrontation entre l’historique et le contemporain s’avère quelque peu malheureuse, tant ces visions de la Méditerranée moderne paraissent plaquées sur le propos de l’exposition. Sans doute aurait-il fallu les présenter à part. C’est d’autant plus dommage que la vidéo est particulièrement bien mise à profit dans de petits films d’animations réalisés par les élèves de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD), qui présentent en de courtes séquences les principaux enjeux historiques de chaque ville à l’époque choisie. Le parallèle entre ces deux visions est pourtant très bien emmené dans le catalogue de l’exposition : chaque cité est introduite par des textes empruntés à des auteurs contemporains. Les pavés disparus de la surface de Venise sont racontés par Donna Leon, auteure de polars et le rappeur Akhenaton livre une ballade urbaine sur la cité phocéenne. Les articles scientifiques, directs et vivants, éclairent de manière plus poussée les enjeux évoqués dans l’exposition.

« Méditerranées », malgré un objectif sans doute trop ambitieux, réussit à entraîner le visiteur dans une traversée des siècles autour d’un bassin chargé de conflits et d’avancées. Sans être une véritable exposition patrimoniale, elle interroge le patrimoine et l’héritage des civilisations, de manière intelligente et ouverte.

MÉDITERRANÉES, DES GRANDES CITÉS D’HIER AUX HOMMES D’AUJOURD’HUI

Jusqu’au 18 mai, J1, place de la Joliette, bd du Littoral, 13002 Marseille, www.mp2013.fr, tlj 12h-18h.

Catalogue : éditions Gallimard, 29 €

MÉDITERRANÉES

Commissariat : Yolande Bacot, commissaire indépendante

Scénographie : Raymond Sarti

Nombre d’œuvres : 171

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Heureux qui comme Ulysse…

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