Droit

Une opposition légitime

Par Hélène Brunel · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2013 - 570 mots

Le refus par certains indivisaires d’éditer de nouveaux bronzes d’Alberto Giacometti est jugé non abusif.

PARIS - Confirmant un jugement rendu en septembre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris, la cour d’appel a considéré le 11 janvier que le refus opposé par les consorts Berthoud et la fondation de droit suisse Giacometti Stiftung à l’édition de 98 épreuves en bronze de 21 sculptures en plâtre d’Alberto Giacometti n’est pas constitutif d’un abus au sens du droit d’auteur. La Fondation Alberto et Annette Giacometti, qui estimait que cette position non motivée était étrangère au rayonnement de l’œuvre et à l’intérêt de l’indivision, s’est donc une nouvelle fois vu déboutée de ses demandes fondées sur l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle.

Selon l’appelante, ce refus constitue un abus dans le non-usage des droits d’exploitation, en raison même de la volonté de l’artiste. La cour, elle, considère que rien ne permet d’affirmer que les tirages multiples envisagés auraient emporté l’adhésion de ce dernier. Elle ajoute : s’il est vrai que sa veuve, Annette Giacometti, a unilatéralement fait procéder à diverses fontes, les héritiers ont décidé de rompre avec cette pratique en signant en 2004 une convention prévoyant notamment que « Chaque mandant s’engage à ne pas éditer individuellement d’œuvres d’Alberto Giacometti […]. L’édition ou le complément d’édition ne sera effectué que dans l’hypothèse d’un accord unanime, aussi bien sur le principe de l’édition que sur les modalités de celle-ci ». La cour poursuit en indiquant que la loi du 1er août 2006 transposant une directive européenne de 2001 peut, en outre, légitimement conduire à s’interroger sur le statut juridique de ces œuvres posthumes. Dès lors que ce texte énonce que seules les œuvres « créées par l’artiste lui-même ou sous sa responsabilité » peuvent être considérées comme originales.

Giacometti est loin de sombrer dans l’oubli
La Fondation Alberto et Annette Giacometti demandaient à la cour de reconnaître l’utilité et l’opportunité de procéder à des fontes posthumes. Étant précisé qu’une première fonte des 21 œuvres devait intégrer la collection de la fondation, qu’une fonte de L’homme qui marche II devait être vendue à la Fondation Vuitton, que les autres fontes auraient été éditées à la demande de musées ou d’institutions culturelles de grande renommée et qu’il aurait pu être procédé à une ou plusieurs fontes destinées à être mises en vente sur le marché. Il était d’ailleurs prévu que chaque fonte, à l’exclusion des premières, soit cédée à titre onéreux ; les profits comme les frais devant être partagés entre les ayants droit indivis. Toutefois, la cour rappelle que « la finalité première du droit d’exploitation […] n’est pas de permettre de faire fonctionner une indivision ». Les intimés justifiaient principalement de l’existence d’un nombre d’œuvres d’ores et déjà suffisant. Force est de relever, constate la cour, qu’en l’espèce, le refus des ayants droit n’aurait pas pour effet de « faire sombrer (l’œuvre) dans l’oubli », étant donné le nombre et le prestige des lieux exposant au public les 21 œuvres litigieuses, tant en France qu’à l’étranger, compte tenu du nombre d’expositions consacrées à l’artiste ainsi que du nombre de ventes récentes intéressant son œuvre. Autant d’éléments qui font dire aux avocats des intimés que la cour d’appel a estimé que les tirages envisagés l’ont été « dans une perspective commerciale ». Quant à la défense de la partie adverse, celle-ci a préféré ne pas s’exprimer pour le moment...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Une opposition légitime

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque