Les enchères marquantes de 2012

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2013 - 1470 mots

En 2012, les résultats en ventes publiques ont souvent atteint des sommets, en particulier pour les pièces exceptionnelles n En voici une sélection pour Londres, New York et Paris.

Art moderne / New York

Edvard Munch, Le Cri (1895), pastel sur carton (dans son cadre original) signé « E. Munch », 79 x 59 cm. Estimé 80 à 100 millions de dollars, adjugé 119,9 millions de dollars (91 millions d’euros), le 2 mai 2012 à New York chez Sotheby’s

- En 2012, une œuvre iconique du peintre norvégien Edvard Munch, Le Cri (1895), a atteint 119,9 millions de dollars (91 millions d’euros), le 2 mai à New York chez Sotheby’s, soit un prix record (en dollar constant) pour une œuvre d’art en vente publique. Son acquéreur, qui reste anonyme, pourrait être le milliardaire américain Leon Black ou bien la famille royale du Qatar. La maison de ventes a réalisé une véritable campagne de marketing pour promouvoir « l’image la plus connue dans l’histoire de l’art et la culture populaire après Mona Lisa », bien qu’il s’agisse d’un pastel sur carton et non d’une huile sur toile. Il s’agit du seul Cri conservé en main privée, les trois autres versions appartenant aux musées d’Oslo (Norvège). Le précédent record aux enchères était détenu par un tableau de Pablo Picasso, Nu au plateau de sculpteur (1932), adjugé 106,4 millions de dollars le 4 mai 2010 à New York chez Christie’s. À des niveaux de prix bien inférieurs, le marché de l’art moderne garde un certain attrait et une valeur en progression modérée.

Art d’après guerre et contemporain / New York

Mark Rothko, Orange, Red, Yellow (1961), huile sur toile signée et datée, 236,2 x 206,4 cm. Estimée 35 à 45 millions de dollars, adjugée 86,8 millions de dollars (66,9 millions d’euros), le 8 mai 2012 à New York chez Christie’s

- Avec sa succession de records, l’année 2012 a été très spéculative pour l’art d’après guerre et contemporain. L’immense toile de Mark Rothko provenant de la collection David Pincus et intitulée Orange, Red, Yellow (1961) a atteint un double record pour l’artiste et pour une œuvre d’art contemporain en ventes publiques, sur une enchère de 86,8 millions de dollars (66,9 millions d’euros), le 8 mai à New York chez Christie’s. Dans la même vente, on enregistrait des records pour Yves Klein avec le tableau de 1962 FC1 (Fire Color 1), parti à 36,4 millions de dollars ; pour Jackson Pollock avec la toile Number 28 (1951) vendue 23 millions de dollars ; pour Barnett Newman avec la peinture Onement V (1952) adjugée 22,4 millions de dollars, ou encore pour Gerhard Richter avec un tableau abstrait de 1993 envolé à 21,8 millions de dollars. Le record pour Richter a été battu le 12 octobre chez Sotheby’s à Londres avec une toile abstraite emportée pour 21,3 millions de livres sterling (26,4 millions d’euros), devenant aussi l’œuvre vendue aux enchères la plus chère pour un artiste vivant. Tandis qu’une œuvre de Pollock grimpait à 40,4 millions de dollars, le 13 novembre à New York chez Sotheby’s. Notons aussi un record à 44,9 millions de dollars pour Roy Lichtenstein avec Sleeping Girl (1964), le 9 mai à New York chez Sotheby’s.

Tableaux et dessins anciens
Londres


Raphaël, Tête de jeune apôtre, vers 1519-1520, dessin à la pierre noire, 37,5 x 27,8 cm. Estimé 10 à 15 millions de livres sterling, adjugé 29,7 millions de livres (36,6 millions d’euros), le 5 décembre 2012 à Londres chez Sotheby’s

- En 2012, le marché de l’art ancien s’est enflammé pour un dessin de Raphaël représentant une Tête de jeune apôtre (1519-1520), adjugé 29,7 millions de livres sterling (36,6 millions d’euros) le 5 décembre à Londres chez Sotheby’s. « Ce prix n’est pas surprenant pour une œuvre d’un peintre mythique, dans un bel état de conservation et apparaissant pour la première fois sur le marché. Le sujet, plaisant et intemporel, et l’estimation particulièrement attractive (10 à 15 millions de livres sterling) ont compté dans le prix final », commente Nicolas Joly, conseiller et courtier en tableaux et dessins. Cette étude préparatoire qui se rattache au tableau intitulé La Transfiguration et conservé à la Pinacothèque vaticane faisait partie des collections du duc de Devonshire, le propriétaire du château de Chatsworth en Angleterre et l’un des dirigeants de Sotheby’s International. Dans un domaine de collection stimulé par de nouveaux acheteurs (dont des Russes) avides d’œuvres exceptionnelles, pas moins de quatre amateurs se sont manifestés pour acquérir ce dessin. Ce record pour le maître italien de la Renaissance marque aussi la plus belle enchère en Europe en 2012 et le deuxième plus haut prix pour une œuvre d’art ancien aux enchères, derrière Le Massacre des Innocents, tableau de Peter Paul Rubens adjugé 49,5 millions de livres sterling (77,1 millions d’euros), le 10 juillet 2002 à Londres chez Sotheby’s.

Arts d’Asie / Paris

Sculpture de Guanyin en bois, Chine du Nord, XIIIe siècle, traces de polychromie et de dorure, socle en bois des années 1930-1940, hauteur : 175 cm.
Estimée 200 000 à 300 000 euros, adjugée 9 millions d’euros, le 19 décembre 2012 à Paris chez Christie’s

- La course aux trésors chinois s’est poursuivie en 2012. De belles enchères ont été enregistrées à Paris, notamment à Drouot où un album impérial sur soie de l’époque Qianlong (1736-1795) s’est vendu 7,8 millions d’euros le 12 juin (SVV Joron-Derem), la meilleure enchère de l’année pour l’hôtel des ventes parisien. La palme revient à Christie’s avec une sculpture de Guanyin en bois du XIIIe siècle, disputée jusqu’à 9 millions d’euros le 19 décembre à Paris. Il s’agit de la meilleure enchère en France en 2012. « Une pièce de cette époque, de cette taille (175 cm) et en si bon état est extrêmement rare à trouver, même dans des musées », commente l’expert Mathilde Courteault. La sculpture avait été conservée dans la même famille depuis 1947, année de son achat à Drouot pour 257 600 francs (près de 2 millions d’euros en valeur réactualisée). L’œuvre a été emportée par le marchand d’art anglais Giuseppe Eskenazi contre son confrère londonien Anthony Carter. Des collectionneurs de Taïwan, amateurs de sculptures, ont aussi misé au début des enchères. Le marché chinois reste cependant plus actif pour les porcelaines. Le 4 avril à Hongkong chez Sotheby’s, une céramique Song est montée au prix record de 207,8 millions de dollars hongkongais (20 millions d’euros), soit la plus haute enchère en art chinois en 2012.

Mobilier XVIIIe / Londres

Bernard II van Risen Burgh (BVRB), secrétaire à abattant en laque japonaise et vernis martin, vers 1756-1757, hauteur : 130 cm, largeur : 105,5 cm, profondeur : 45 cm.
Estimé 3 à 5 millions de livres sterling, adjugé 3,1 millions de livres (3,9 millions d’euros), le 6 décembre 2012 à Londres chez Christie’s

- À chaque fois qu’un meuble XVIIIe exceptionnel et bien conservé se présente en ventes publiques, les acheteurs répondent présent. « Ces amateurs viennent des pays émergents : du Moyen-Orient, de Russie, d’Asie et aussi d’Amérique latine (en particulier du Brésil) », précise Simon de Monicault, spécialiste chez Christie’s France. Le 6 décembre à Londres, la maison de ventes a vendu un secrétaire en laque estampillé « BVRB » issu de la collection Riahi pour 3,1 millions de livres sterling (3,9 millions d’euros), un record aux enchères pour BVRB. Il appartenait probablement à l’origine à Madame de Pompadour. Le collectionneur l’avait acquis en 1993 pour 496 500 livres sterling (877 000 euros en valeur réactualisée) à Londres chez Sotheby’s, dans la période qui a suivi la guerre du Golfe et a vu les prix baisser. Il a donc fait une belle affaire. Le 26 septembre 2012, à Drouot (SVV Europ Auction), une rare paire de cabinets bas par André Charles Boulle, d’époque Louis XIV, s’est vendue 2,8 millions d’euros.

Art tribal / Paris

Reliquaire Nkundu en bois, République démocratique du Congo. Hauteur : 254 cm. Estimé 2 à 3 millions d’euros, adjugé 2,69 millions d’euros, le 11 décembre 2012 à Paris chez Christie’s

- L’art tribal reste l’un des rares domaines où domine la place parisienne. Les vacations organisées par Sotheby’s France sont une référence en la matière. Christie’s a aussi enregistré de beaux résultats en 2012 avec la plus haute enchère de l’année pour une pièce d’art africain : 2,7 millions d’euros pour un monumental reliquaire anthropomorphe Nkundu du Congo, cédé à un acheteur au téléphone qui pourrait être le Musée national du Qatar. Depuis plusieurs années, le marché de l’art tribal se caractérise par l’arrivée de nouveaux acheteurs fortunés, attirés par des objets à la fois historiques et décoratifs. Les œuvres sculpturales aux formes stylisées, de préférence avec une provenance ou un pedigree certifiés, sont de plus en plus prisées des amateurs d’art moderne et contemporain voulant diversifier leur collection. Les prix ont tendance à flamber pour les pièces exceptionnelles, tandis qu’ils se tassent pour les œuvres plus communes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Les enchères marquantes de 2012

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