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Surprenant Soulages

Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2013 - 682 mots

Ses œuvres créées dans la dernière décennie et exposées à Lyon font preuve d’un esprit d’expérimentation.

LYON - L’œuvre de Pierres Soulages peut-elle encore nous étonner, tant sa découverte de l’ « outrenoir » est entrée dans notre inconscient collectif ? À voir les œuvres sorties de son atelier ces dix dernières années, la réponse est assurément oui.

Au Musée des beaux-arts de Lyon, l’exposition « Soulages XXIe siècle » propose un parcours choisi autour de vingt-cinq œuvres, une traversée expérimentale de la peinture exigeante pour un artiste qui ne l’est pas moins. « Le prétexte a été l’acquisition récente de trois tableaux » par le musée, explique Sylvie Ramond, co-commissaire de l’exposition : « Pierre Soulages nous a proposé d’exposer ses dernières recherches, des œuvres pour la plupart inédites, essentiellement de sa collection. »

Le parcours s’ouvre sur un « couloir initiatique » voulu par l’artiste et semblable à celui qui mettait en scène la révélation de l’outrenoir à mi-parcours de la rétrospective du Centre Pompidou (2009-2010). L’éclairage y a été particulièrement soigné pour permettre une réverbération douce sur les toiles, accentuer les reliefs et révéler les pigments. On découvre, après cette traversée, une chose étonnante : Soulages remet à nouveau, plusieurs années après son emploi, le blanc à l’honneur. Dans une Encre sur papier 76 x 75 cm, 2003, très justement choisie pour illustrer la couverture du catalogue, l’artiste fait transparaître le fond blanc derrière une couche noire. Par stries, comme par accident, le jeu des antagonismes mouvemente la surface, crée un dynamisme tout à fait particulier que le peintre retouche à plusieurs endroits de quelques coups de pinceau. Dans Peinture 102 x 130 cm, 21 mars 2012, plus de noir mais un blanc éclatant, où la texture se fait onctueuse et douce, marquée par les lignes tracées dans la peinture par le couteau de Soulages. Mais le noir n’est jamais loin, puisque la toile répond à celle datée du 20 mars, sorte de jumelle obscure témoignant de la même élaboration stylistique, de la même onctuosité de la peinture. Le blanc crée alors une instabilité, une ouverture et un nouvel horizon de combinaisons.

« Moment Soulages »
Le choix de présenter ces œuvres non pas chronologiquement mais par « famille » stylistique met en lumière la permanence de certaines obsessions stylistiques : le collage, la juxtaposition des surfaces lisses et du relief, la variété des noirs… Autant de jeux qui composent la palette de l’artiste. Éric de Chassey, co-commissaire de l’exposition, remarque dans le catalogue que ces familles ne sont pas « une peinture de la remise en cause, de la rupture, mais de l’ouverture ». Depuis 2004, Soulages a remplacé la peinture à l’huile par l’acrylique, a ajouté de nouveaux pigments (le noir d’ivoire, le noir de Mars) : l’expérimentation reste une donnée essentielle dans le processus créatif. Une large place est accordée dans l’exposition lyonnaise à l’expérience physique des visiteurs : une scénographie a minima, contrebalancée par un fascicule d’aide à la visite plutôt bien fait et une mise en place aérée permettent de se mouvoir dans l’espace pour apprécier les changements et les mouvements de la peinture. L’artiste a lui-même veillé à l’accrochage et à la lumière, une gageure dans un espace sans éclairage naturel.

Le musée a souhaité créer un « moment Soulages », en proposant de redécouvrir sept toiles peintes entre 1990 et 1991, le seul ensemble que l’artiste considère comme une série, présentée à la Biennale de Lyon en 1991. Concentrée dans une petite pièce, cette série crée une expérience immersive réussie dans l’outrenoir. Plus loin, les trois œuvres de Soulages acquises par l’institution sont accompagnées d’œuvres prêtées pour l’occasion par des collectionneurs privés. Huit œuvres exposées dans la collection permanente illustrent, de 1947 à 2009, les pistes explorées par le peintre au fil des années. Attention, il ne reste plus que quelques jours pour découvrir l’exposition...

SOULAGES XXIe SIÈCLE

Jusqu’au 28 janvier, Musée des beaux-arts, 20, place des Terreaux, 69001 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, www.mba-lyon.fr, tlj sauf mardi, 10h-18h.

Catalogue : éd. Hazan, 216 p., 35 €.

Voir la fiche de l'exposition : Soulages, XXIe siècle

SOULAGES

Commissaires : Sylvie Ramond, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon ; Éric de Chassey, directeur de l’Académie de France à Rome-Villa Médicis

Nombre d’œuvres : 38

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Surprenant Soulages

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