Galerie Lahumière

Les courbes engagées d’Alberto Magnelli

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 27 novembre 2012 - 758 mots

Peu exposées depuis vingt ans, les œuvres d’Alberto Magnelli témoignent de son cheminement vers l’abstraction.

PARIS - La galerie Lahumière, après avoir présenté en 2010, les rétrospectives d’Auguste Herbin, son artiste fétiche, puis de Victor Vasarely en 2011, poursuit cette année son programme d’expositions d’automne par un autre grand classique, absent dans son espace depuis vingt ans : Alberto Magnelli. Malgré cette longue parenthèse, le peintre était régulièrement associé à l’activité de la galerie, puisqu’il était fréquemment présenté dans les foires, notamment, en 2008, à Bâle où, dans un bel hommage, celle-ci lui avait consacré l’essentiel de son stand.

Si l’on excepte une toile figurative de 1924 représentant deux baigneuses et illustrant les jeunes années du peintre, la galerie invite à redécouvrir, en un accrochage composé essentiellement de peintures, mais aussi d’une (grande) œuvre sur ardoise, d’une gouache et de trois dessins, la production d’Alberto Magnelli des années 1940 aux années 1960, soit la fin de la carrière de l’artiste né en 1888 et décédé en 1971. Venu de la Figuration, Magnelli devait, à ce moment-là, se rattacher résolument par sa production picturale à l’abstraction géométrique. Il s’agit clairement de la période de la maturité, mais aussi de la pleine reconnaissance de l’artiste : bénéficiant, dès 1921, d’une exposition personnelle à Florence, sa ville natale et, en 1947, d’une rétrospective qui avait connu un grand succès à la galerie Drouin, à Paris, il s’était vu consacrer par une autre rétrospective, trois ans plus tard, à la Biennale de Venise. À la fin de sa vie et après sa disparition, la reconnaissance de son œuvre allait se trouver encore renforcée par deux expositions monographiques au Musée national d’art moderne, à Paris, en 1968 puis en 1986, ainsi qu’au Musée d’art moderne de la ville de Paris en 1973.
Amitiés futuristes

La carrière artistique de Magnelli ne peut être isolée des avant-gardes qui se sont succédé au début du XXe siècle, tout particulièrement du cubisme et du futurisme dont il constitue une sorte de synthèse en proposant un équilibre entre la prééminence du volume pour le premier, du trait pour le second. Ceci s’explique à la fois par une question de génération et de contexte temporel, mais aussi spatial. Bien que s’étant installé en France au début des années 1930, Magnelli revendiquait son origine italienne et l’influence des grands maîtres de son pays de naissance sur son travail. Il ne pouvait guère échapper à l’influence du futurisme né en Italie. L’importance du trait que l’on rencontre dans les deux courants, surtout dans le second, se retrouve dans les œuvres tardives du peintre présentées par la galerie Lahumière. Et les coloris, tout en étant marqués par l’influence italienne (les ocres, les roses, les verts tendres), deviennent parfois sourds comme dans le cubisme. Une œuvre de 1964 peut évoquer, par les contours dessinés, la série de L’Hourloupe, que Jean Dubuffet développait en 1962. L’économie de moyens et l’ampleur du trait qui prime à l’occasion sur tous les autres éléments de la toile semblent parfois annoncer Valerio Adami ou même, plus étrangement, Keith Haring.

Les quelques dessins de l’exposition apparaissent moins convaincants, ne semblant pas retenir réellement l’attention de l’artiste, à la différence de ses toiles, infiniment plus abouties et parfois remarquables. Tel est le cas de Gauche et droite, de 1949, mais aussi d’Éléments groupés n° 2, de 1963, aux beaux coloris marron et à l’étonnante dynamique des traits et des volumes, ou d’Organique n° 2, de 1965, aux séduisants tons vert amande. L’exposition contient une curiosité : une grande gouache sur ardoise. Si l’histoire veut que Magnelli ait peint ses ardoises pendant la guerre pour faire face à la pénurie de toiles, sa production de gouaches sur ce support a commencé dès 1936 mais s’est surtout intensifiée en 1937, l’artiste revenant à ce médium en 1940, puis en 1942 et 1943. Les deux grands formats n’ont été peints que plus tard – signe de son intérêt pour les ardoises allant bien au-delà du seul contexte de pénurie –, en 1954-1955 pour l’œuvre présentée par la galerie, en 1955-1956 pour une autre d’entre elles.

Si le marché d’Alberto Magnelli apparaît très localisé en France et encore davantage en Italie, certaines de ses plus belles pièces ont gagné la Corée du Sud. On peut espérer qu’avec la belle exposition qui lui est actuellement consacrée, le marché français de l’artiste se trouvera renforcé.

Alberto Magnelli, Œuvres 1924-1965

Jusqu’au 22 décembre, Galerie Lahumière, tel. 01 42 77 27 74, mardi-vendredi 10h-13h et 14h-18h30 et samedi 11h-13h et 14h-18h, 17 rue du Parc Royal, 75003 Paris, www.lahumiere.com

Magnelli

Nombre d’œuvres : 17

Prix des œuvres : entre 5 000 et 460 000 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : Les courbes engagées d’Alberto Magnelli

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