Revue

La renaissance des Cahiers d’art

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2012 - 672 mots

Créés en 1926 par Christian Zervos, les mythiques « Cahiers d’art » cessèrent de paraître en 1960. Ils viennent d’être relancés par Staffan Ahrenberg, un collectionneur d’origine suédoise.

Né en 1889 en Grèce sur l’île de Céphalonie, Christian Zervos a étudié l’histoire de l’art avant de créer sa revue. Les Cahiers d’art témoignent de sa passion pour l’art vivant et en particulier pour les géants du XXe siècle que sont Matisse, Léger, Giacometti, et Picasso dont il éditera le catalogue raisonné en trente-trois volumes. Il n’y a, aux yeux de Zervos, aucune rupture mais bien une continuité entre les créations de l’Antiquité, du Moyen Âge, de la Renaissance et celles du XXe siècle.

En l’espace de 35 ans, de 1926 à 1960, Zervos éditera quatre-vingt-dix-sept numéros des Cahiers d’art. Cette revue fut aussi exceptionnelle par sa longévité que par le prestige qui l’entourait. Célébrés pour leur mise en page et leur typographie audacieuse, les Cahiers d’art étaient abondamment illustrés de photographies. Les poètes et les écrivains les plus talentueux dont Tristan Tzara, Paul Éluard, René Char et Ernest Hemingway étaient invités à dialoguer avec les artistes de leur temps. Les Cahiers d’art inspirèrent par la suite Albert Skira et Tériade qui lancèrent Minotaure puis Tériade qui donna vie à Verve. Christian Zervos possédait aussi une galerie du  même nom, dirigée par sa femme Yvonne, qui fut installée de 1934 à 1970, au siège des éditions, au 14, rue du Dragon.

Se promenant, un beau jour de 2011, rue du Dragon, l’ancien producteur de cinéma et collectionneur suédois Staffan Ahrenberg poussa la porte de cette célèbre galerie. Il s’entendit soudain demander si la maison d’édition était à vendre. Yves de Fontbrune, le nouveau propriétaire des lieux depuis 1979, lui répondit dès le lendemain par l’affirmative. Arhenberg décide aussitôt de relancer la revue, mais aussi la maison d’édition et la galerie. Le premier numéro des Cahiers d’art version XXIe siècle, tiré à 10 000 exemplaires (8 000 en anglais, et 2000 en français), se concentre sur la figure d’Ellsworth Kelly auquel un dossier de 70 pages est consacré. On y trouve aussi des portfolios consacrés à des artistes émergents comme Cyprien Gaillard et Adrián Villar Rojas et la retranscription d’une conversation de Picasso avec Zervos. La rédaction en chef du premier numéro associe Samuel Keller, le directeur de la Fondation Beyeler et le critique d’art et commissaire d’expositions Hans Ulrich Obrist à Staffan Ahrenberg.

Ellsworth Kelly est aussi à l’honneur à la galerie à travers une sélection de ses peintures des années 1950 et dans l’espace dédié aux éditions, sis dans un nouvel espace acquis au 15, rue du Dragon.

Un pari économique
Sur les pas de Christian Zervos qui édita de nombreuses monographies ayant trait à la peinture, à l’architecture, mais aussi aux arts archaïques et « primitifs », de l’art de la Mésopotamie à celui de la Crète, le nouveau propriétaire des Cahiers d’art publiera aussi des ouvrages. Le premier opus présentera, en décembre prochain, 300 reproductions de sculptures d’Alexandre Calder par Herbert Matter. Reste à espérer que Staffan Ahrenberg sera plus heureux en affaires que ne le fut Christian Zervos. Souvent à court d’argent pour financer ses Cahiers d’art, ce dernier sacrifiera tout à sa revue n’hésitant pas à mettre en vente ses biens les plus chers, manuscrits, tableaux voire appartements pour en assurer la pérennité. « Est-ce l’historien d’art qui dominait en lui ? » s’interrogeait en 1970 le peintre Jean Hélion évoquant la mémoire de Zervos. « Il nous considérait longuement et puis nous admettait ou nous refusait l’accès à « l’histoire »  […] Mais, il avait avant tout ses idées à lui dont nul ne le faisait sortir. C’était un combattant orgueilleux. Il se sentait à l’aise seul contre tous. »

Librairie et galerie Cahiers d’art

14, rue du Dragon, 75006 Paris

Éditions Cahiers d’art, 15, rue du Dragon, 75 006 Paris, tél. 01 45 48 76 73, www.cahiersdart.fr, Revue Cahiers d’art, 136 pages, broché, 24,5 x 31,5 cm, avec une lithographie, 60 ¤. Un à trois numéros par an.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : La renaissance des Cahiers d’art

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