Art moderne et contemporain

Une collection belge à Paris

Par Marie Flambard · Le Journal des Arts

Le 17 octobre 2012 - 857 mots

Sotheby’s choisit la capitale française pour la mise en vente de la collection de Marsel et Zaira Mis, espérant ainsi contribuer à renforcer la position parisienne sur le marché international.

PARIS - Sotheby’s disperse le 24 octobre la quasi-intégralité de la collection du couple italo-belge, Marsel et Zaira Mis, soit 72 œuvres qui devraient rapporter au minimum 10 millions d’euros. La vente d’une collection d’art moderne et contemporain de cette importance constitue un événement pour le marché parisien, qui reste discret à côté de Londres et de New York pour les arts plastiques du XXe siècle. Il est cependant notable que Sotheby’s cherche à développer sa branche parisienne pour prendre la place de leader, occupée depuis des années par Christie’s. La stratégie a porté ses fruits puisque Sotheby’s a pris une avance de plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires sur sa concurrente, au cours du premier semestre 2012. Les ventes de collections privées se succèdent mais, à la différence des collections françaises de Florence Loeb (avril 2012) et Marcel Brient (septembre 2012), la collection Mis provient de Belgique. La promotion l’année dernière de Guillaume Cerruti, patron de Sotheby’s France, à la vice-présidence de Sotheby’s Europe n’est sûrement pas étrangère à cette ambition. Dans ce contexte, Paris semble être en passe de devenir le lieu privilégié pour les ventes de collections italiennes, hollandaises et belges.

Programmée trois jours après la clôture de la Fiac, la vente Mis, dont l’exposition à la Galerie Charpentier est visible pendant la Foire internationale d’art contemporain, devrait bénéficier de l’effervescence de la période et de la présence sur place de collectionneurs étrangers. Thomas Bompard, directeur du département art impressionniste et moderne chez Sotheby’s, affirme que « les acheteurs internationaux adorent enchérir à Paris. Ils y ont moins de visibilité sur les prix qu’à Londres et New York. D’autre part, dans le contexte parisien, une vente de cette qualité focalise l’attention ».

Celle-ci portera particulièrement sur un ensemble de trois peintures de Magritte, avec en point d’orgue La Grande Table, estimée 3 à 5 millions d’euros. Cette toile date du début des années 1960, période de maturité pour l’artiste, très recherchée sur le marché depuis quelques années. « Le marché de Magritte a été réinventé dans les trois dernières années », explique Thomas Bompard, notamment depuis l’ouverture du musée qui lui est dédié à Bruxelles en juin 2009. Les toiles emblématiques de l’artiste, particulièrement celles de la fin des années 1950-début des années 1960, de plus en plus nombreuses dans les ventes, sont vendues dans une fourchette de prix allant de 3 à 7 millions d’euros, et sont presque exclusivement l’apanage de Christie’s et Sotheby’s à Londres et New York. Une peinture intitulée Souvenir de voyage, similaire à La Grande Table, a été adjugée près de 5 millions d’euros en mai 2011 chez Christie’s à Londres. Il sera donc intéressant de voir si le lot phare de la collection Mis atteint le même niveau de prix à Paris, ceci dans le contexte économique actuel. Sa provenance irréprochable aidera certainement, puisque l’œuvre n’est jamais apparue sur le marché auparavant et n’a connu, avant l’achat par Zaira Mis dans les années 1980, que deux propriétaires privés, le premier l’ayant acquise directement auprès de l’artiste.

« Merveilleuses » dates d’acquisition
Directrice de la galerie d’art contemporain Artiscope, à Bruxelles, c’est grâce à sa connaissance du milieu de l’art et à son œil avisé que Zaira Mis a pu constituer avec son mari « une collection où le discernement et le goût s’allient à des dates d’acquisition merveilleuses », comme pour le Concetto spaziale, New York 8 de Lucio Fontana acheté en 1969. D’origine italienne, elle arrive à Bruxelles en 1959 et se fait l’ambassadrice de la création contemporaine italienne en Belgique. Outre trois Fontana, la collection offre une tapisserie d’Alighiero Boetti (est. 180 000-250 000 €), une peinture de Sandro Chia (est. 60 000/80 000 €), une sculpture de Mimmo Paladino (est. 12 000-15 000 €) ou des œuvres sur papier de Giulio Paolini, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto… À côté des œuvres signées d’artistes belges et italiens, la collection s’est développée tous azimuts depuis cinquante ans, au gré des rencontres et des coups de cœur. Ainsi, parmi les lots phares, se trouvent également une emblématique série colorée de Marilyn d’Andy Warhol (est. 1 500 000-2 000 000 €) ou un mobile de Calder, estimé entre 1 et 1,5 million d’euros, qui ornait l’escalier de la maison magnifiquement décorée dans laquelle vit le couple Mis à Bruxelles.

Le caractère personnel et intime de cet ensemble fait dire à Marsel et Zaira Mis dans l’introduction du catalogue de la vente : « N’y aurait-il pas quelque orgueil et indécence à transmettre à autrui un bloc de tant de passion personnelle ? Et plutôt que de se séparer des œuvres l’une après l’autre, dans une petite douleur répétée, nous décidons de les disperser dans un éclat qui leur rend hommage. »

Collection MIS

Le 24 octobre à 18h, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honorén 75008 Paris, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com ; exposition : 19-24 octobre.

- Estimation (hors frais) : 9-14 millions d’€

- Nombre de lots : 72

Légende photo

René Magritte, La Grande Table ( 1962-1963) - Huile sur toile - 54,3 x 65,4 cm - estimation : 3/5 000 000 €, vente du 24 octobre 2012 chez Sotheby's Paris. © Photo : Sotheby's/Artdigital Studio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°377 du 19 octobre 2012, avec le titre suivant : Une collection belge à Paris

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