Toulouse

L’actualité s’invite au Printemps de septembre

L’œuvre de Mounir Fatmi a été retirée d’une édition conviant les artistes à « réfléchir » l’Histoire

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2012 - 523 mots

TOULOUSE - Le Printemps de septembre 2012, plutôt riche et de bonne tenue, s’est clôturé le 22 septembre sur une fréquentation en hausse.

Mais l’histoire immédiate s’est invitée dans la programmation bien huilée de la manifestation d’art contemporain à Toulouse. « L’Histoire est à moi » hurle, en lettres blanches sur un fond rouge sang et bleu qui ressemble fort à une conflagration, l’affiche de l’édition 2012 de la manifestation.

À quelques jours de la parution des caricatures du prophète Mahomet dans l’hebdomadaire Charlie Hebdo et des violences déclenchées par le film islamophobe L’Innocence des musulmans, le climat de tension était palpable. Un groupe de Toulousains de la communauté musulmane s’est opposé, le 2 octobre, à la projection d’une vidéo montrant, sur les trottoirs du Pont-Neuf à Toulouse, des cercles des « rotoreliefs » (motifs graphiques) de Marcel Duchamp associant des versets calligraphiés du Coran et des hadiths du prophète Mahomet. Habituellement projetée les week-ends en présence de médiateurs, l’installation Les Temps modernes, une histoire de la machine (2009-2010) de Mounir Fatmi s’est déclenchée toute seule, le mardi 2 octobre au soir, du fait d’un « défaut de programmation informatique ».

« L’œuvre s’est mise à tourner sans l’encadrement des médiateurs normalement présents pour l’expliquer et préciser qu’il ne fallait pas marcher sur les images projetées mais au contraire les contourner », a expliqué Régis Durand, le directeur du Printemps de Septembre. L’artiste marocain Mounir Fatmi a décidé de lui-même de suspendre la présentation de sa vidéo. Tout en soulignant que cette œuvre, qui appartient au Musée d’art moderne arabe de Doha, au Qatar, y avait déjà été présentée et n’avait pas choqué le public.

Jésus en sâdhu
« J’ai voulu faire œuvre civique en montrant à Toulouse des œuvres compréhensibles par tous et attirer l’attention du public par l’entremise de quelques œuvres porte d’entrée comme celle de Gérard Rancinan », souligne Paul Ardenne, le directeur artistique du festival. Connu pour ses tableaux photographiques actualisant des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art, Gérard Rancinan a choisi de « s’attaquer » sans excès de finesse à l’iconographie chrétienne en revisitant la Cène. Le Banquet des idoles montre, aux Abattoirs, un Jésus grimé en sâdhu hindouiste, entouré d’apôtres dissipés : Marylin Monroe, Michael Jackson, Mao, Che Guevara et Gandhi assis en tailleur devant la table du dernier repas, tête munie d’écouteurs et iPad en main. L’œuvre de Krzysztof Wodiczko dénonçant les mémoriaux de guerre apparaît plus convaincante et mature. Exposé à l’Espace Croix-Baragnon, l’artiste polonais a choisi de reconvertir l’Arc de Triomphe parisien, ode de pierres aux victoires napoléoniennes, en « Institut mondial pour l’abolition de la guerre ».

Peu soucieuse de penser le parcours et d’articuler la circulation entre les œuvres, cette 22e édition du Printemps recelait néanmoins bon nombre de propositions passionnantes, à l’exemple des Peintures d’histoire d’Alain Josseau à la galerie Sollertis, des photographies douces-amères de Nermine Hammam au Lieu-Commun, et de la vidéo d’Agnès Pezeu au BBB-Centre d’art témoignant du chemin initiatique de son grand-père, peu avant sa mort au front en 1944. L’édition 2013 du festival de création contemporaine change de date pour s’installer au printemps (en mai), comme il se doit.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°377 du 19 octobre 2012, avec le titre suivant : L’actualité s’invite au Printemps de septembre

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