Le goût Rochas

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2012 - 759 mots

Christie’s disperse la collection Hélène Rochas, reflet du raffinement français.

PARIS - Décédée en août 2011, Hélène Rochas incarnait l’élégance parisienne à la perfection. L’ancien ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand signe un vibrant hommage à la collectionneuse dans sa préface du catalogue de Christie’s. « Chaque objet appartient à sa mémoire, chaque acheteur sera gratifié à tout jamais par sa présence », conclut-il. Ce n’est pas une œuvre d’art emblématique de la collection qui illustre le catalogue de vente, mais une photographie de celle qui était surnommée « la belle Hélène ». La maison de vente en charge de la dispersion de la succession Hélène Rochas, programmée le 27 septembre, construit sa communication sur le goût d’Hélène Rochas. Celui-ci était très français, sûr et raffiné, « un goût presque masculin, dépouillé, strict, à l’opposé de ce qu’aurait pu laisser imaginer la féminité de sa légendaire beauté », décrit le décorateur François Catroux. Sa collection, qui a fait l’objet d’une exposition pendant toute la durée de la Biennale, reflète aussi la richesse et la diversité d’un milieu mondain international, comme en témoignent les quatre portraits dont elle passa commande à Andy Warhol en 1974. Estimés 200 000 à 300 000 euros chacun, ces portraits identiques en robe Yves Saint Laurent se déclinent en divers coloris. Les lots phares de la collection regroupent Fiddle and Spanish Guitar (1933), tableau de Ben Nicholson estimé 300 000 à 500 000 euros ; Braunes Schweigen (1925), huile et sable sur toile de Vassily Kandinsky estimée 1,5 à 2 million(s) d’euros, et Japonaise à la table rouge, grande toile peinte entre 1967 et 1976 par Balthus, représentant Setsuko, la dernière épouse du peintre. Estimée 3 à 5 millions d’euros, cette œuvre occupait presque tout un pan de mur du petit salon où Hélène Rochas recevait les intimes. Dans la même pièce, au-dessus de la cheminée, figurait un grand bouquet de fleurs signé Jean Fautrier (est. 60 000 euros), Les Monnaies du pape (1934), provenant de la collection d’André Malraux. Dans l’entrée, les visiteurs étaient accueillis par un imposant portrait grandeur nature au pastel sur papier de Lucien Guitry (1921) par Édouard Vuillard, estimé 150 000 à 250 000 euros. Parmi le mobilier classique, on remarquera une suite de quatre appliques d’époque Louis XVI d’après un dessin de Jean Louis Prieur, estimée 150 000 euros, ainsi qu’une paire de grands candélabres en bronze doré d’époque néoclassique, montés sur des vases chinois de la fin du XVIIIe-début XIXe, estimée 100 000 euros.

La qualité pour l’Art déco
« Hélène Rochas avait constitué dès la fin des années 1960 une des toutes premières collections Art déco, à l’instar de ses grands amis Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, rappelle François de Ricqlès, président de Christie’s France. La plupart de ces pièces égalaient d’ailleurs en rareté et qualité celles présentées dans la vente “Saint Laurent-Bergé.” » La majeure partie de sa collection des années 1920-1930 a fait l’objet d’une grande vente en 1990, chez Christie’s à Monaco. Aussi les quelques meubles et objets d’Art déco qu’elle avait conservés retiendront l’attention des amateurs : une torchère aux deux serpents, modèle créé en 1931 par Édouard Marcel Sandoz (est. 25 000 euros) ; un lampadaire La Tentation (v. 1920-1926) par Edgar Brandt et Daum (est. 40 000 euros) ou un rare bas-relief Deux masques (vers 1925) par Jean Lambert-Rucki et Jean Dunand, en chêne sculpté (est. 60 000 euros).

Notons encore quatre pièces de Diego Giacometti qui devraient bénéficier de la provenance Rochas, soit une table-berceau (première version) (est. 60 000 euros) dont le modèle fut créé vers 1963 tout comme trois fauteuils Pommeaux de canne (est. 120 000 euros l’ensemble), ainsi que deux lampadaires, modèles Étoile et Aux nœuds créés vers 1936 et estimés respectivement 50 000 et 70 000 euros. La vente rassemble non seulement les œuvres d’art de l’appartement d’Hélène Rochas, situé rue Barbet-de-Jouy (Paris-7e arr.), mais également de nombreux souvenirs tel un tirage argentique de 1968 représentant Maria Callas, dédicacé « À Hélène si chère amie […] » (est. 100 euros) ou une lettre autographe d’Yves Saint Laurent adressé à Hélène, avec le croquis d’une cape aux oiseaux de la « collection Braque Printemps-Été 1988 » (est. 800 euros). Les prix devraient aussi flamber pour ces petites choses intimes, si l’on en croit la cote d’amour de la belle Hélène.

COLLECTION HÉLÈNE ROCHAS

Le 27 septembre, Christie’s, 9, av. Matignon, 75008 Paris, tél. 01 40 76 83 60, www.christies.com ; exposition publique : du 11 au 26 septembre 10h-18h (sauf le dimanche 16 septembre)

COLL. HÉLÈNE ROCHAS

- Responsable de la vente : Lionel Gosset

- Estimation : 8 millions d’euros

- Nombre de lots : 283

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : Le goût Rochas

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