New York

L’espace rêvé de Saraceno

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2012 - 589 mots

Au Metropolitan Museum, Tomás Saraceno présente une œuvre qui invite le visiteur à se projeter dans le cosmos.

New York - Au Metropolitan Museum of Art, art contemporain et art ancien font particulièrement bon ménage. Alors qu’en France les deux se côtoient voire se confrontent le plus souvent directement dans les salles des musées et institutions culturelles, suscitant parfois l’opposition de détracteurs qui dénoncent une atteinte au patrimoine par simple souci de mode et de jeunisme, le conflit potentiel a été intelligemment résolu au Met pour ne pas heurter les trustees et autres généreux mécènes dont le soutien est tellement important : l’art contemporain y est présenté dans un espace propre, à l’écart des collections, sur le toit-terrasse du musée, lequel offre des vues superbes sur Central Park et Manhattan.

Avec une réelle intelligence, le jeune artiste (il est né en 1973) d’origine argentine mais qui vit désormais en Allemagne, Tomás Saraceno, a su tirer tout le parti de cet environnement hors du commun pour son exposition actuelle dans le cadre du prestigieux musée américain. Là où un Jeff Koons s’était contenté de poser ses habituelles sculptures, juste plus monumentales, sans tenir compte du potentiel lié à l’environnement, Saraceno a installé, comme dans les airs, une œuvre qui se situe entre sculpture, installation et environnement.

Saraceno, sculpteur des réseaux, utilise souvent des fils étirés qui enferment des sphères transparentes ou en dessinent les contours : dans une des salles les plus spectaculaires de la Biennale de Venise, en 2009 ; à la galerie Tanya Bonakdar à New York (dans une remarquable exposition parallèle à celle du Met qui s’est tenue en juin-juillet) ou, au sein même de l’œuvre exposée ici. Celle-ci, créée spécialement à cette occasion, reprend, avec d’autres matériaux, le vocabulaire propre à l’artiste : elle se compose, principalement, d’une vaste constellation de 16 modules en relief composés de métal réfléchissant dont les facettes sont de multiples polygones. Ces modules, interconnectés, évoquent dans leur enchevêtrement complexe à la fois des nuages, des amas de bulles, des bactéries, des gemmes, mais aussi des représentations de l’espace ou de l’univers, ou encore des réseaux de communication. Construite comme un habitat futuriste, la structure munie d’escaliers, de passerelles et de plateformes, au sein de laquelle est admis le visiteur, est recouverte de panneaux qui, par un jeu de parois pleines et réfléchissantes, transparentes ou vides, sculptent littéralement l’espace et permettent de donner par endroits l’illusion de marcher au-dessus des nuages, de flotter dans les airs.

Comme souvent dans ses travaux antérieurs, Saraceno invite le public à s’approprier l’espace qu’il a créé en combinant savamment art, architecture et science. Un peu à la façon d’un Yona Friedman dont l’influence est patente dans ses œuvres, Saraceno, également formé en architecture et qui a étudié à la Nasa, crée une utopie et invite à s’en emparer. Si l’œuvre évoque inévitablement les nouvelles technologies bien réelles, et notamment la conquête de l’espace, si elle renvoie à tous les réseaux dans lesquels nous sommes désormais enserrés, elle ouvre la part au rêve à travers le projet humain un peu fou qui consisterait à vivre dans l’espace, comme dans ces villes flottantes imaginées par la science-fiction. Avec Saraceno, l’art fait encore rêver. Une belle réussite.

Tomas Saraceno on the Roof : Cloud City

The Metropolitan Museum of Art, 1000 5e Avenue, New York, jusqu’au 4 novembre, tél. 212 535 7710, tlj sauf lundi, du mardi au jeudi, et dimanche 9h30-17h30, vendredi et samedi jusqu’à 21h, www.metmuseum.org

Commissaire : Anne L. Strauss, commissaire associée au département art moderne et contemporain

Légende photo

Tomás Saraceno on the Roof: Cloud City (2012) - Installation sur le toit du Metropolitan museum of Art, New York. © Photo : Studio Tomás Saraceno

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : L’espace rêvé de Saraceno

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