Photographie - L’école française

Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2012 - 467 mots

Les interventions des anciens élèves de l’ENSP, en tant qu’artistes ou curateurs ont marqué les Rencontres d’Arles.

ARLES - Thème des 43es Rencontres d’Arles, « Une école française » a joué l’Arlésienne. Son style, en mal d’identité forte, n’est pas apparu. Cette édition anniversaire qui évaluait trente ans de création à l’ENSP (École nationale supérieure de la Photographie), un établissement unique en France, révélait les limites d’une pédagogie sans rapport au maître. Antithèse de l’école de Düsseldorf, « l’école d’Arles » brillait essentiellement dans l’art de l’accrochage. Plus probantes que les trente monographies d’anciens élèves, des collections de photo revisitées par des commissaires formés à l’ENSP dépassaient l’intérêt socio-historique.

Christophe Berthoud agençait « Les archives Alinari et la syntaxe du monde » d’après un roman d’Italo Calvino servant de « machine narratrice » aléatoire. « Mannequin, le corps de la mode » démystifié par Sylvie Lécallier, chargée de la collection du Musée Galliera, mettait à nu le sexisme. Sous l’œil de Luce Lebart, responsable des collections de la SFP (Société française de Photographie), « Un laboratoire des premières fois » cherchait l’ADN de la photo contemporaine dans des procédés du XIXe siècle comme des portraits sériels par Albert Londe, des anaglyphes de Louis Ducos du Hauron renvoyant à la série « 53.77 », des portraits numériques en 3D par Mireille Loup (Promotion 1994). Confrontées à l’œuvre structurée d’Alain Desvergnes, Arnaud Claass et Christian Milovanoff, enseignants fondateurs de l’ENSP, des séries récentes exposaient « l’école française ».

Flanquées de titres embrouillés en anglais, la plupart se cantonnaient aux canons esthétiques d’une photographie plasticienne mondialisée. Rompant avec la banalité de ses poses figées, de ses paysages vides, les mises en scène fantastiques « Uchronies » (2012) du prix HSBC Grégoire Alexandre (promotion 1995) en décousaient avec les contraintes du studio de mode, tandis que la fiction « Hokota » (2012) d’Alexandre Maubert (Promotion 2009) noyait d’inquiétantes courbes sismographiques dans des cieux soufrés. Vu par le photojournaliste israélien Jonathan Torgovnik, lauréat du prix Découverte, l’enfer prenait les traits de mères compassionnelles envers leurs enfants nés de viols durant le génocide au Rwanda.

Outre ces témoignages poignants, étaient révélées la trompeuse splendeur de paysages de guerre par Osamu James Nakagawa (USA), la mélancolie intense d’une jeunesse captée par Nelli Palomäki (Finlande). À la foison de talents nommés pour ce prix répondait la magistrale leçon de photo donnée par un autodidacte entré à l’agence Magnum : « Gitans », livre culte de Josef Koudelka, hypnotisait par ses portraits magnétiques. En marge, les programmes associés enchérissaient en montrant Sophie Calle et les étranges épiphanies d’« Ici, par-delà les brumes » de la Biélorusse Alexandra Catière, lauréate du prix BMW. Tout un bestiaire cocasse et des miniatures de frimas peuplaient la rétrospective du finlandais Pentti Sammallahti revenu à pas de loup enchanter ce festival.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°374 du 7 septembre 2012, avec le titre suivant : Photographie - L’école française

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