Urbanisme

Le Paris à la verticale de Jean Nouvel

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2012 - 727 mots

Baptisées Duo, les deux immenses tours que Jean Nouvel projette de construire, pour 500 millions d’euros, à la limite de Paris et d’Ivry-sur-Seine relancent la polémique sur la nécessité de l’extension verticale de Paris. Elles ne seront érigées d’ici à 2018 que si les financements sont atteints pour moitié en 2014.

PARIS - Entre Jean Nouvel et Paris, c’est une vieille histoire. Une romance qui, en presque quarante ans, a donné naissance à quelques beaux enfants. Tout commence en 1975, lorsque l’architecte coorganise le « contre-concours » international pour l’aménagement des Halles qui, à défaut de donner des suites, le projettera en pleine lumière ; lumière qu’il ne quitte plus depuis. On le retrouvera d’ailleurs, trente ans plus tard, invité cette fois-ci officiellement à concourir pour l’aménagement de ces mêmes Halles, version Bertrand Delanoë, et à nouveau sans succès…

Puis viendront, en 1987, l’Institut du monde arabe, hiératiquement posé sur la courbe est de la Seine, et en 2006, le Musée du quai Branly qui campe, lui, sur la courbe ouest de la Seine. Deux courbes, c’est un rêve d’architecte ! La Seine d’ailleurs est un axe majeur dans la conquête de Paris par Nouvel. Outre les Halles, l’IMA et Branly, Nouvel a conçu également l’agence de publicité CLM-BBDO, sorte de grand vaisseau métallique ancré sur l’île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux. Et encore, à venir, le réaménagement de l’île Seguin à Boulogne-Billancourt et la remise en forme, imaginée en collaboration avec l’agence AREP et le paysagiste Michel Desvignes, des abords de la Gare d’Austerlitz. Et l’on ne saurait oublier de mentionner, sur les hauteurs de Montparnasse, ce chef-d’œuvre minimaliste qu’est la Fondation Cartier (1994), ainsi que l’actuelle implication de Nouvel dans l’aventure du Grand Paris.

La Seine en quelque sorte épuisée, c’est à un autre axe majeur – circulaire cette fois – auquel s’attaque dorénavant Nouvel : celui du boulevard périphérique. Avec en premier tir, la Philharmonie de Paris en bordure du Parc de La Villette, Porte de Pantin, dont on annonce l’ouverture pour 2013 ; puis, depuis avril 2012, le concours emporté haut la main et portant sur deux tours baptisées Duo, dressées à la limite de Paris et d’Ivry-sur-Seine. Pile à l’endroit où se mêlent et s’entremêlent la Seine et le périphérique, les voies ferrées d’Austerlitz et les boulevards des Maréchaux ; ce que Dominique Perrault, auteur au même endroit du magnifique hôtel industriel Berlier, appelle joliment « un plat de spaghetti ».

Le projet Duo c’est deux tours, l’une de trente-huit étages et culminant à 175 mètres, l’autre de vingt-six étages au sommet de 115 mètres, développant au total une surface de 105 000 m2 et pour un  coût estimé à plus de 500 millions d’euros.

Vaste projet, exclusivement tertiaire (hôtel 4 étoiles, bureaux et commerces) qui ne verra le jour en 2018 qu’à la condition expresse que les financements (ventes des surfaces) soient atteints à 50 % en 2014. Rude obligation en ces temps de crise… Si Duo fait la joie de Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo, première adjointe chargée de l’urbanisme, il n’en va pas de même du conseiller vert Yves Contassot : « La volonté du Maire de Paris de passer outre l’opposition massive des Parisiens à la construction des tours à Paris, se double d’un projet aussi prétentieux que symbole de son goût pour les effets de mode… ». Si Contassot n’aime pas le projet, c’est son droit, mais l’élu vert relance surtout la polémique des tours à Paris. En faut-il ou pas ? L’avenir le dira…

Les deux tours de Nouvel semblent composer un immense V puisque l’une d’entre elle penche d’une façon quasi pisane. « Depuis le trottoir de la BnF, l’une des tours n’est pas visible. Cette légère inclinaison sera de nature à la faire apparaître. En outre, ce déhanchement permettra un jeu de reflets du paysage ferroviaire dans la façade sud », explique l’architecte. Lequel insiste également sur le traitement des terrasses intermédiaires et des sommets des deux tours, accessibles et plantés d’arbres et d’arbustes (de quoi partiellement satisfaire Contassot ?). Il va de soi, une fois encore, que le projet Duo, tout comme celui de la tour Triangle (180 mètres de haut) de Herzog et de Meuron à la Porte de Versailles, met en lumière l’impossibilité d’étendre Paris à l’horizontale. Et, par conséquent, de ne pouvoir en modifier le visage et la structure qu’à la verticale…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°372 du 22 juin 2012, avec le titre suivant : Le Paris à la verticale de Jean Nouvel

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