Première

Matthew Darbyshire, le goût en question

La galerie Jousse Entreprise présente les « displays » du jeune Londonien en France

Le Journal des Arts

Le 6 juin 2012 - 496 mots

PARIS - Matthew Darbyshire, jeune artiste londonien âgé de 35 ans, agence des objets sous cloche, en vitrine ou sur des plateformes. En utilisant les modes de présentation des showrooms commerciaux, il décrit l’envahissement et l’uniformisation d’un design contemporain mis au service d’un goût standard, et dépeint un mode de vie bercé par les mécanismes de séduction du consumérisme.

À l’entrée de la galerie Jousse Entreprise, à Paris, l’artiste a aménagé un salon miniature noir et blanc : une table basse habillée d’une pipe à eau et d’une figurine à l’effigie de la Sainte Vierge, deux tabourets Tam Tam, un lampadaire boule et un tapis déco sur lequel paradent des Nike Air, celles que l’on voit souvent aux pieds des « branchés ». Ce qui paraissait, de loin, un hommage au design, se révèle plutôt être un arrangement publicitaire d’une grande enseigne d’ameublement type Ikea ou le résumé de l’intérieur d’un jeune cadre dynamique. « À première vue, la plateforme paraît hype, mais elle est en fait plutôt cheap et montre une certaine pauvreté intellectuelle, voire de goût, lance Philippe Jousse.

Plus qu’un jugement, c’est une constatation. » Par cet emploi particulier du podium, Darbyshire se situe dans la lignée de Haim Steinbach, et de « Plamen Dejanov », ajoute le galeriste. Et c’est avec un humour très british qu’il questionne le design et le lifestyle qui lui est associé pour dresser le portrait d’une société consumériste. Quand il superpose deux sièges aux formes voisines dans des cubes de Plexiglas, l’un est africain, l’autre est de Philippe Starck (1). L’un est une statuette en bois soulevant un plateau, l’autre, un nain de jardin en plastique. Le design possède cette faculté d’embourgeoiser des objets issus de la culture populaire ou d’« anoblir » une esthétique du vide-grenier pour produire des accessoires de désir. Alors, dans les vitrines de Matthew Darbyshire, on trouve des chinoiseries, des bibelots, des colifichets de Vierge Marie ou de Bouddhas, des verres Coca-Cola ou à cocktail. Ce sont ses fétiches, ses petites poupées qu’il moule dans de la résine transparente, qu’il peint en fluo et qu’il expose. Ses échantillonnages deviennent de vains paysages « surcolorés » et séduisants.

Ils sont la photographie d’un monde qui se rêve en Technicolor, aimant les mêmes formes, ayant les mêmes goûts. Si les « displays » de Matthew Darbyshire plaisent déjà beaucoup à l’Angleterre (il a fait un passage remarqué à la Tate Modern à Londres et à la Tramway Gallery de Glasgow), ils ont fait leur effet à New York en mars, lors de la foire Independent. « Sa galerie londonienne Herald Street l’a très bien vendu », confirme Philippe Jousse, qui a pour l’instant cédé « deux pièces à deux grandes collections d’art contemporain ». Prochaines étapes en solo pour Darbyshire : la Zabludowicz Collection pendant Frieze Art Fair, en octobre, et, en 2013, la Kettle’s Yard (Cambridge), le Fonds régional d’art contemporain Nord - Pas-de-Calais et le Bloomberg Space (Londres).

(1) pour l'entreprise Kartell.

Matthew Darbyshire

Jusqu’au 30 juin, galerie Jousse Entreprise, 6, rue Saint-Claude, 75003 Paris, tél. 01 53 82 10 18, www.jousse-entreprise.com, du mardi au samedi de 11h-19h.

Darbyshire

- Prix : de 7 500 à 14 000 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Matthew Darbyshire, le goût en question

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