Chamarande

Chamarande : quand l’art a une fonction

Au Domaine départemental, l’artiste est vu comme l’un des maillons d’une chaîne de collaborations

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 6 juin 2012 - 841 mots

C’est sous le signe d’une « culture durable » et conviviale que le Domaine départemental de Chamarande a inauguré son exposition estivale, dont le commissariat a été confié à une agence extérieure. Le projet artistique est soumis à l’impératif de la valorisation du patrimoine naturel comme de la démocratisation culturelle, voulues
par le conseil général de l’Essonne.

CHAMARANDE - Cet été à Chamarande, le public, informé de la prolifération du ragondin (Thierry Boutonnier), des malformations de la grenouille (Brandon Ballangée) et de l’évolution des techniques agricoles en Essonne (Sylvain Gouraud), et s’étant effrayé du nuage du champignon atomique du duo Henne, pourra se reposer au creux des hamacs tendus entre les pieds des tables de pique-nique renversées dans le parc (Encore heureux, collectif d’architectes). C’est en effet sous le signe d’une « culture durable » et conviviale que le Domaine inaugure sa saison estivale, proposant rien de moins au public que de « vivre une nouvelle expérience à la fois consciente et hédoniste mêlant l’intime et le collectif ».

On se souvient de la polémique née de l’éviction un peu brutale l’an dernier au terme de son second mandat de la directrice du centre d’art, Judith Quentel, par le conseil général de l’Essonne, unique tutelle des lieux. Animé d’une ambition réaffirmée pour ce lieu phare de sa politique culturelle, le Département a, depuis, mis en place pour le parc du château un plan de gestion différencié des espaces verts. Ce site et son écosystème est dorénavant offert aux artistes en résidence, dont les interventions participent de l’observation des espèces menacées ou de l’entretien du parc. Le bois des arbres victimes d’un champignon et destinés à l’abattage a pu ainsi inspirer pour leurs œuvres trois des artistes présentés dans l’exposition « Salons ». Il est néanmoins permis aux invités de s’amuser, à l’exemple de Pauline Bastard qui a planté de jeunes vignes afin d’y produire le prochain vin de vernissage du Domaine.

« Pièces praticables »
La collectivité milite aussi pour une prise en compte des différents types de publics, de leurs « attentes et besoins ». Intention fort louable lorsqu’elle se traduit, pour l’accueil du public, scolaire en particulier, par l’emploi depuis plusieurs années déjà de cinq permanents à temps plein auxquels s’ajoutent sept à huit médiateurs. Velléité plus gênante lorsque les œuvres d’art sont appelées à devenir des « pièces praticables », susceptibles de se voir ainsi plus aisément  « appropriées » par le public. C’est là que le bât blesse : le projet artistique a été pensé pour se couler dans cette double problématique, de valorisation du patrimoine naturel comme de démocratisation culturelle. Sa direction a été confiée au collectif COAL – coalition pour l’art et le développement durable, composé de la curatrice Lauranne Germond, du paysagiste Clément Willemin, et d’un directeur de développement durable, Loïc Fel. Bénédicte Ramade, à qui l’on doit le commissariat de « Rehab » (à la Fondation Electra à Paris en 2010-2011), qui réunissait des artistes « éco-sensibles » parmi lesquels Lucie Chamont, dont les moulages en plâtre d’emballage plastique sont présentés au château, écrivait dans nos colonnes que « des œuvres qu’on croyait connaître se transforment sous l’effet d’un récit (1) ». Dans l’exposition « Salons », c’est l’inverse qui se produit. Même les œuvres les plus malines, à l’image de la sculpture en parquet à chevrons qui chemine à travers le paysage (Freaks FreeArchitects), ou du Paranoïd Androïd de Didier Faustino, double porte souple et blanche installée en bordure de l’allée, sont vues à travers le prisme trop prégnant du discours qui englobe la manifestation. Un texte qui sous-entend que les œuvres ne sauraient être « juste des œuvres » ; qu’à Chamarande, et ici seulement, elles sont le résultat de recherches, de rencontres et de croisement entre différents champs ; qu’elles doivent enfin sortir des galeries et assurer pleinement leur rôle et leur fonction au sein de la société.
Comme si l’art n’était pas, de tout temps et quelle que soit sa forme, partie prenante du monde.

(1) lire le JdA no 365, 16 mars 2012, p. 13.
 
Une Fabrique pour la collection

Depuis 2001, le Domaine de Chamarande acquiert des œuvres, préexistantes ou conçues pour le site. La collection du Fonds départemental d’art contemporain (FDAC), diffusée par le biais de prêts, réunit aujourd’hui près de 300 œuvres dorénavant abritées dans « la Fabrique ». Dessiné par l’architecte Hervé Levaseux, le bâtiment, alliant la pierre et le bois, s’insère de façon très juste dans le paysage. Fidèle à sa politique volontariste vis-à-vis du public, le Département prévoit d’ouvrir ces nouvelles réserves, comprenant un atelier de restauration, aux groupes dans le cadre d’un projet culturel autour des « métiers de la conservation ».

SALONS

- Commissaire de l’exposition : agence COAL
- Nombre d’artistes ou collectifs : 29
- Nombre d’œuvres produites : 14

SALONS, convivialité, écologie et vie pratique, jusqu’au 30 septembre, Domaine départemental, 38, rue du Commandant-Arnoux, 91730 Chamarande, tél. 01 60 82 52 01, tlj 12h-19h, www.chamarande.essonne.fr. Et aussi, « Scènes croisées », programmation de spectacle vivant à partir du 10 juin.

Légende photo

Michel de Broin Tortoise (2012) - Bois de peuplier du Domaine de Chamarade - © Photo CG91

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Chamarande : quand l’art a une fonction

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