Décor

Le petit théâtre de Sert

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 22 mai 2012 - 390 mots

PARIS - C’est en débutant dans l’artisanat que José Mari­a Sert (1874-1945) trouve sa vocation de peintre décorateur. Issu d’une famille bourgeoise œuvrant dans le textile, le Barcelonais de naissance est plus à l’aise dans les cercles de l’Art nouveau puis, dans le gotha parisien.

Le « Tiepolo du Ritz » est de ces peintres passés au tamis de l’histoire de l’art du XXe siècle, qui tend à ne retenir que les artistes qui lui plaisent aux dépens de ceux qui ont compté pour leurs contemporains. Mort avec la Seconde Guerre mondiale, Sert est une coqueluche parisienne à l’heure où l’épicentre de la création moderne se dirige lentement vers New-York, où s’épanouissent les chantres du Surréalisme, puis ceux de l’Abstraction. Dans un hommage grandiose et théâtral, le Petit Palais propose la première rétrospective de l’œuvre du peintre catalan en France. Qu’il crée le décor pour la cathédrale de Vic (Espagne), qu’il conçoive un superbe paravent sur le thème des quatre saisons pour Arthur Capel, l’amant de Gabrielle Chanel, ou qu’il signe un salon pour le luxueux hôtel Waldorf Astoria à New York, Sert transcende ses qualités de peintre décorateur : il se fait authentique metteur en scène d’une peinture figurative, dont le style et la légèreté des sujets empruntent à la grande tradition baroque, très loin des avant-gardes au même moment. De son héritage familial et sa formation classique à l’École des beaux-arts de Barcelone, il a conservé une méthode de travail très technique, s’appuyant sur la photographie de modèles adoptant la pose voulue, les mannequins de bois, et les mises au carreau. À Paris, les maquettes prêtées par le Musée national d’art de Catalogne mettent en perspective les œuvres monumentales particulièrement nombreuses et bien présentées, dans cette rétrospective. Découvrir son parcours à Paris, c’est aussi voir revivre la faune parisienne et internationale de l’entre-deux-guerres, où gravitent figures littéraires (Claudel, Cocteau), musiciens et chorégraphes (Manuel de Falla, Serge Diaghilev), et femmes fatales (Misia Godebska et Roussadana Mdivani, épousées successivement pour former un joyeux ménage à trois). Sa facilité d’adaptation sous l’Occupation, gage de survie pour de nombreux Parisiens et qui explique en partie son désaveu, n’est heureusement pas occultée.

José Maria Sert

- Commissaires : Gilles Chazal, conservateur général, directeur du Petit Palais ; Pilar Sáez Lacave, docteur en histoire de l’art ; Susana Gállego Cuesta, conservatrice au Petit Palais.

JOSÉ MARIA SERT, LE TITAN À L’ŒUVRE (1874-1945), jusqu’au 5 août, Petit Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, 10h-20h le jeudi. Catalogue, coédité par le musée et Paris musées, 272 p., 39 euros, ISBN 978 2 7596 0184 4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Le petit théâtre de Sert

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