Nouvelle Figuration

Adami en vintage

La galerie Daniel Templon révèle un Adami photographe aux côtés de ses toiles plus « classiques »

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 763 mots

PARIS - Ce qui étonne le plus dans cette quatrième exposition de Valerio Adami chez Daniel Templon, à Paris, ce ne sont pas ses nouvelles toiles. Au nombre de seize, datées de 2009 à 2012, elles témoignent pourtant d’une splendide maîtrise.

La surprise vient de la présentation dans la seconde galerie, celle installée impasse Beaubourg, de 30 photographies que l’artiste (né en 1935 à Bologne) a prises entre 1960 et 1970. On ne connaissait pas Adami photographe. Lui non plus d’ailleurs. « Je ne veux surtout pas me définir comme un photographe, tient-il à préciser. J’ai même, depuis cette époque, complètement arrêté de me servir d’un appareil photo. »
Alors que voit-on sur ces tirages noir et blanc ? Des urinoirs publics carrelés, une baignoire, des chaises de bar, un radiateur, un lit sur fond de papier peint d’époque dans une chambre d’hôtel, un tourniquet, etc. Rien de bien extraordinaire en somme. On se demande d’emblée si elles ont pu avoir un quelconque rapport avec son travail de peintre. Le lien ne saute pas aux yeux. Il ne produit pas le même effet qu’avec d’autres artistes pour lesquels la photographie sert de point de départ au tableau, voire en constitue la trame. Et ce ne sont pas les trois superbes toiles de la fin des années 1960 placées ici en contrepoint, comme pour nous montrer ce qu’est la peinture d’Adami à l’époque, qui vont nous éclairer. Le décalque n’est pas de mise.

Répertoire d’images
Lorsqu’on le questionne, Adami explique que « la photographie est la mémoire de certains objets. Plutôt que de faire sur un carnet, comme c’était le cas aux siècles précédents, le croquis d’un objet et de certains détails que je ne voulais pas oublier, il me semblait beaucoup plus facile de prendre la photo d’éléments dont je pourrais réintroduire l’idée dans un conte, dans ce conte d’image qu’est la peinture ».
Et de fait, en regardant plus attentivement, la fausse banalité des sujets photographiés donne une étrangeté qu’on retrouve dans l’aspect souvent énigmatique de ses toiles. De même, les objets choisis introduisent une métaphysique très proche de celle qui baigne ses allégories. Enfin et surtout ce sens particulier du cadrage est commun aux deux pratiques, ainsi que cette façon de faire ressortir des reflets, des lignes de lumière qui font penser aux contours et lignes noires si caractéristiques de sa peinture. Comme si Adami était allé chercher le dessin dans la photo. Il devient alors clair que « ces notes que [s]a mémoire seule n’aurait pas fixées », que « les photos de ces objets qui doivent ressortir de ce coffre qui est le coffre de notre mémoire » sont présentes, de façon plus ou moins diffuse. « La photo m’a aidé à me souvenir de sensations et de visions trop rapides. » Comme un répertoire d’images qui guident inconsciemment le bout du crayon. « Quand je commence un dessin, je commence toujours par un point qui devient une ligne, puis je bouge la main et cette ligne-là s’allonge et, à un certain moment, j’en fais une autre qui vient traverser la première et quelque chose sort de là. Et ce qui sort, c’est un moment de ma vie », relate-t-il. Cette vie en lignes donc, ces lignes de vie ont dessiné un parcours de pensée et défini une rhétorique. Le langage de la forme, de la figure, de l’image et de la couleur. Adami a toujours dit que cette dernière était pour lui génératrice d’un état d’âme, d’une émotion. En découvrant ses toiles récentes, aux tons vifs, jaunes, orangés, rouges, bleus, on se dit qu’il est encore bien vert et qu’il témoigne d’une belle fraîcheur et d’une grande vivacité.
Bien évidemment, le prix des photos n’a rien à voir avec celui des toiles. Les premières sont à 10 000 euros pour un tirage unique vintage (20 x 13 cm). Quant aux secondes, leur prix oscille entre 30 000 euros pour le plus petit format (92 x 65 cm) et 250 000 pour H. Matisse che lavora ad un quaderno di designi, la plus grande (2,43 x 1,80 m) et la plus ancienne (1966-1970) de l’exposition. Entre les deux, la plupart (de 2 x 1,50 m) valent 80 000 euros. Le record en vente publique, établi chez Pierre Bergé & associés à Bruxelles en juin 2011, est de 230 900 euros pour un tableau d’1,50 x 1 m daté de 1968-1969.

ADAMI - Nombre de photos : 30 ; prix : 10 000 euros pièce - Nombre de toiles : 19 ; prix : de 30 000 à 250 000 euros

Valerio Adami, Jusqu’au 2 juin, galerie Daniel Templon, 30, rue Beaubourg et en face, impasse Beaubourg, 75003 Paris, tél. 01 42 72 14 10.
Et aussi, « Valerio Adami, les années 60 » à la galerie Laurent Strouk, 2, av. Matignon, 75008 Paris, 01 40 46 89 06. Jusqu’au 2 juin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : Adami en vintage

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