Paris

Un nouvel « art district »

Une dizaine de galeries se sont installées récemment

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 852 mots

PARIS - Il suffit de regarder la feuille d’informations « Galeries mode d’emploi » qui recense la très grande majorité des galeries d’art contemporain les plus établies à Paris – 55 d’entre elles pour l’édition actuelle –, et qui les localise sur un plan, pour constater que l’épicentre du marché parisien de l’art contemporain se trouve dans le 3e arrondissement, aux alentours de la rue Debelleyme.

Cette zone concentre notamment les galeries Thaddaeus Ropac, Karsten Greve, Yvon Lambert, Emmanuel Perrotin ou encore Xippas. Si la densification progressive de cet espace n’est pas pour surprendre – ni celle, récente, d’une autre zone, la rue Quincampoix, dont le positionnement sur le segment très contemporain est moins homogène– , il convient de noter que sont apparues dernièrement de nombreuses galeries dans des quartiers qui les attiraient peu jusque-là. Le parcours des « galeries du Haut-Marais » rassemble ainsi une dizaine d’entre elles situées dans une zone quelque peu étendue, entre le Musée des arts et métiers et le boulevard Saint-Martin, dans un dépliant comportant un plan, des informations pratiques sur les galeries ainsi que sur leur programmation du moment. Plus étonnant encore, étant donné la forte concentration à laquelle elle a donné lieu et la rapidité de son émergence, l’apparition d’un « cluster » dans le microcarré dessiné par les rues Chapon, de Montmorency, Saint-Martin et Beaubourg, à l’ouest du 3e arrondissement, intrigue. Là encore, les jeunes galeries – une petite dizaine – de ce territoire se sont unies pour gagner en visibilité et ont lancé une feuille d’informations intitulée « Save the Dates » suggérant un parcours centré sur la rue Chapon et le tout proche passage des Gravilliers.

Dès 1972, à l’annonce de l’ouverture du Centre Pompidou – qui allait ouvrir en 1977 – s’est installée non loin de là, rue Beaubourg, la galerie Daniel Templon, pionnière. Est arrivée ensuite au cœur même de cet espace devenu désormais « so trendy » la galerie Zürcher, en 1992 au 56, rue Chapon (également présente à New York depuis 2009), puis, en 2001, la galerie Anne de Villepoix, à deux pas, au 43, rue de Montmorency. Tout près figurent les galeries Claudine Papillon et Laurent Godin. Après l’arrivée de la galerie Semiose, également rue Chapon, au 54 (en janvier 2010), puis, quelques mois plus tard, de la Lebenson Gallery, de l’autre côté de l’accès à la galerie Zürcher, la Galerie ALB (Anouk Le Bourdiec) a ouvert au 64, rue Chapon (en septembre 2011) – elle devrait déménager bientôt presque en face, au 47 – avant la galerie Eva Hober (en octobre 2011), au 35, juste en face du 56… offrant une belle perspective sur l’espace de la galerie Semiose. À une rue de là se sont installées coup sur coup, rue de Montmorency, la galerie Jean-Marc Thévenet au 32 (en juillet 2011), puis la galerie Paul Frèches, au 46 (en février 2012). Dernière en date, la Kogan Gallery s’est montée à quelques pas, au 96 bis, rue Beaubourg, en mars 2012.

Loyers raisonnables
Pourquoi donc s’installer dans ce périmètre restreint qui, depuis longtemps, n’attirait guère ? Dans ce quartier longtemps colonisé par la bonneterie puis par les importateurs chinois de maroquinerie, mais dont l’identité artistique se renforce désormais considérablement, on peut encore trouver un local de près de 40 m2 pour environ 1 500 euros mensuels, de 140 m2 autour de 3 500 euros. La proximité de Beaubourg et de galeries établies de longue date a également joué. Si Anouk Le Bourdiec et la Kogan Gallery ont souhaité créer directement leur galerie dans cet espace du Marais, Eva Hober a quitté son petit espace de l’est du 3e arrondissement pour le nouveau, beaucoup plus vaste, tout comme Semiose venue du 20e arrondissement ou Paul Frèches, précédemment à Montmartre. Toutes les nouvelles galeries sont installées sur rue et non pas sur cour, entendant ainsi profiter pleinement du passage des amateurs engendré par leur nouvelle concentration.

Un effet de masse
Souvent trentenaires et ayant effectué des études en art, pourquoi les nouveaux venus ont-ils décidé d’ouvrir leur galerie maintenant, à un moment qui n’est pas le plus favorable pour le commerce de l’art contemporain ? La réponse fuse sur toutes les lèvres : « De toute façon, ce n’est jamais le bon moment pour ouvrir une galerie d’art contemporain ! » Si certaines galeries ont élaboré un « business plan » favorisé par le coût raisonnable des loyers, d’autres misent sur une spécialisation comme le rapport entre art contemporain et bande dessinée pour la galerie Jean-Marc Thévenet, ou sur leurs liens solides avec les institutions grâce notamment à leur activité d’éditeur pour Semiose. Tandis que la Kogan Gallery bénéficie d’autres sources de revenus comme l’activité de studio photo exercée en sous-sol qui lui permet de jouir d’un espace remarquable de 150 m2, vrai luxe pour une toute nouvelle galerie et très beau cadre pour son exposition inaugurale consacrée à l’artiste néerlandais Robbie Cornelissen. Par-delà leurs différences, toutes les nouvelles galeries du quartier misent sur les potentialités qu’offre désormais celui-ci avec son nouvel ancrage. Bernard Zürcher lui-même le confirme : « Maintenant, ici, on voit beaucoup plus de monde. »

Légende photo

Vue de l'exposition " Huang Yuxing " à la galerie Paul Frèches, Paris - Photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : Un nouvel « art district »

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