Baden-Baden

L’impossible rencontre

La bataille des sexes de William Copley.

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2012 - 444 mots

BADEN-BADEN - Il serait facile de réduire William N. Copley (1919-1996) à ses nus érotiques. Le maître des lieux, Frieder Burda, n’a-t-il pas précisément conservé Kiss me (illustration ci-contre) parmi les vingt tableaux qu’il possède de lui, durant plusieurs années et dans sa chambre ?

Il est vrai que Copley aime et connaît les femmes (il s’est marié six fois) et sait mieux que personne saisir une croupe et deux seins d’un simple trait arrondi très suggestif. Mais les femmes de Copley ne ressemblent en rien aux pin-up réalistes et vulgaires d’un Mel Ramos : une silhouette, des cheveux blonds, des bas résille et le tour est joué. Il y a toujours une forme d’humour dans ses toiles, qui vient de ce que Copley, un autodidacte fortuné, s’est formé au contact de ses amis surréalistes, Man Ray, Ernst, Magritte et Marcel Duchamp. À une profondeur rendue par la perspective, il préfère des fonds foisonnants. Il estime par ailleurs que les traits du visage, très souvent absents, n’apporteraient rien à son sujet.

Copley reconnaît largement sa dette à l’égard des surréalistes. Il a tenté de les promouvoir au cours d’une brève expérience de galeriste à Los Angeles en 1948, a beaucoup collectionné leurs œuvres avant de les vendre pour régler les pensions alimentaires successives, et a festoyé avec eux. Mais il ne se revendique pas surréaliste, ni même un artiste pop art bien qu’Andy Warhol compte aussi parmi ses amis.
Les femmes de Copley sont très souvent en couple dans ses toiles. Madame, nue ou à demi-nue ; Monsieur, toujours habillé, avec un chapeau. La bataille des sexes, ou l’impossibilité de la rencontre entre homme et femme, voilà le vrai sujet des tableaux de Copley. Un sujet autobiographique, on l’a compris, et qui remonte, comme l’écrit son fils dans le catalogue, au traumatisme de son adoption à l’âge de 2 ans. Il pastiche aussi ses aînés comme dans cette version de la Nuit espagnole, une toile de Picabia qu’il a possédée un temps.

Plus que la scénographie sans fioriture, l’architecture lumineuse, due à Richard Meier, du Musée Frieder-Burda, largement ouvert sur la verdoyante et célèbre allée Lichtentaler, sert une œuvre colorée qui ne prétend à aucune analyse intellectuelle comme le revendique son auteur. Copley mérite que l’on s’intéresse à lui. La dernière fois qu’il a été montré en France remonte à 1981, lors de la rétrospective du Centre Pompidou. Autant dire une éternité et une forme d’ingratitude pour quelqu’un qui aimait tant la France pour y avoir vécu douze ans.

Copley, Museum Frieder Burda

Jusqu’au 10 juin, Lichtentaler Allee 8b, Baden-Baden, tlj sauf lundi, 10-18h, www.museum-frieder-burda.de. Catalogue, éd. Kehrer, Heidelberg, 254 p., 38 euros, ISBN 978-3-86828-9 (version anglaise).

Copley
- Commissaire de l’exposition : Götz Adriani, historien de l’art
- Nombre d’œuvres : 80

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°369 du 11 mai 2012, avec le titre suivant : L’impossible rencontre

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