Aux confins de la Foire

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2006 - 920 mots

Un riche programme d’expositions est proposé pendant la foire Art Basel. De Holbein à Lee Lozano, une sélection des événements à ne pas manquer.

La Foire de Bâle est l’occasion de visiter la région du coude du Rhin et ses nombreux lieux artistiques. L’intérêt pour l’art vivant n’exclut pas la peinture historique. Au Kunstmuseum de Bâle, on remonte le temps avec une exposition dédiée à Holbein le Jeune. Cet artiste germanique du XVIe siècle a séjourné à Bâle entre 1515 et 1532 (1). À la Fondation Beyeler, à Riehen, le précurseur d’une bonne partie de l’art du XXe siècle, Matisse est à l’honneur avec l’exposition « Figure Couleur Espace ». Son langage pictural est détaillé par le menu, de sa période fauve jusqu’aux œuvres au style plus libéré de la fin de sa vie. Une certaine peinture minimale avant l’heure. La Kunsthalle de Bâle organise quant à elle la première exposition personnelle de Lee Lozano, une artiste des années 1960-1970 tombée dans l’oubli. L’œuvre, inclassable, est aujourd’hui reconsidérée.  Lee Lozano s’attaque, à travers une série de peintures, à la question de la virilité. En plan serré, d’innocents outils s’érotisent et se sexualisent, imitant des postures érotiques. Après le figuratif, Lee Lozano a abordé le conceptuel et le minimal avec des œuvres où le texte acquiert une grande importance. Amie de Bob Morris ou de Dan Graham, la prometteuse Lee Lozano décroche pourtant à la fin des années 1970 pour couler des jours tranquilles à Dallas avant de disparaître en 1999.
De son côté, Daniel Richter continue à épuiser toutes les possibilités de la peinture, du figuratif à l’abstrait, et intègre la voracité des mass media dans son œuvre. Au Museum für Gegenwartskunst, il présente des pièces de ces cinq dernières années, à côté d’une sélection d’œuvres de la Fondation Emanuel-Hoffmann.

Balade énergisante
Le Schaulager, à Münchenstein, donne dans l’audace et crée des tensions entre l’œuvre de la Britannique Tacita Dean et celle du Belge Francis Alÿs. Dean a pour habitude de filmer en Super-8 les choses en apparence les plus ordinaires, desquelles surgissent une certaine légèreté et une poésie. Bref, un quotidien propice à la rêverie. Elle esquisse un jeu entre l’espace et le temps et sculpte la lumière prise au piège par la pellicule. Francis Alÿs présente, lui, une série de peintures de différents formats exécutées avec des peintres de Mexico City. À l’inverse de Tacita Dean, il fige le mouvement. Avec Alÿs, les murs sont envahis de tableaux représentant des hommes à la mise soignée. Variation sur le même thème, ceux-ci décrivent une balade à travers les salles du Schaulager. À la Kunsthaus Baselland, à Muttenz, la découverte prévaut. Le Bâlois Andreas Hagenbach nous propose, dans une exposition intitulée « Million Dollar Ocean Views up Here », un diaporama ainsi que des vidéos. Son séjour en Australie y est mis en exergue. Ses photographies de banlieues calmes et verdoyantes apparaissent comme des séquences de science-fiction tant le paysage a été transformé par l’homme. Quant à l’Australien Martin Walde, ses installations sensuelles donnent au visiteur l’envie de toucher. Voiles de bateaux, grenouilles, fil de fer, gelée ou latex fluo, ce land art version pop et drôle nous réveillent, malgré son titre « Humming » (ou ronronner) ! Et ce n’est pas non plus Jan Christensen, ce Danois né l’année du punk (1977) qui vous reposera. Ses wall drawings et ses installations aux allures de décor ne laissent ni la conscience ni la rétine du spectateur en paix. Cette peinture énergétique et colorée n’en finit pas d’aligner des formules et des revendications humoristiques. Too much à souhait et en grand format, Jan Christensen ne devrait plus se faire oublier… Plus calme, « Saudades » (« solitudes » en portugais), l’exposition du CRAC Alsace à Altkirch suspend le temps. Le skater Ed Templeton mais aussi Doug Aitken, Kim Gordon, Fiona Tan, Mark Gonzales ou Rita Ackermann tempèrent la sensation de solitude en recourant à la nostalgie et à la douceur. Tout un programme !

(1) lire le JdA no 235, 14 avril 2006, p. 8

- Holbein le Jeune, les Années Bâle 1515-1532, jusqu’au 2 juillet, Kunstmuseum, St. Alban-Graben 16, Bâle, tél. 41 61 206 62 62, tlj sauf lundi 10h-17h, 10h-20h le mercredi. - GROUPE D’ŒUVRES ET INSTALLATIONS de la fondation Emanuel-Hoffmann ; Daniel Richter, du 11 juin au 24 septembre, Museum für Gegenwartskunst, St. Alban-Rheinweg 60, Bâle, tél. 41 61 272 81 83, tlj sauf mardi 10h-17h. - Tacita Dean « Analogue », Francis AlÁ¿s, « The Sign Painting Project », jusqu’au 24 septembre, Schaulager, Laurenz-Stiftung, Ruchfeldstrasse 19, Münchenstein Suisse, tél 41 61 335 32 30, tlj sauf lundi 12h-18h, jeudi jusqu’à 19h, samedi-dimanche 10h-17h. - Matisse, « Figure, couleur, espace », jusqu’au 23 juillet, Fondation Beyeler, Riehen, Baselstrasse 101, Riehen/Bâle, tél. 41 61 645 97 00, tlj 10h-18h, mercredi jusqu’à 20 heures. - Lee Lozano, « win first dont last, win last dont care », du 15 juin au 27 août, Kunsthalle, Steinenberg 7, Bâle, tél. 41 61 206 99 00, de mardi à vendredi 11h-18h, jeudi jusqu’à 20h30, samedi-dimanche 11h-17h. - Martin Walde « Humming », Jan Christensen «Forward Momentum», Andreas Hagenbach « Million Dollar Ocean Views Up Here », jusqu’au 2 juillet, Kunsthaus Baselland, Muttenz, St. Jakob-Strasse 170, Muttenz, tél. 41 61 312 83 88, mardi, jeudi à dimanche 11h-17h, mercredi 14h-20h. - « Saudades », du 14 juin au 20 août, CRAC Alsace, Centre rhénan d’art contemporain, 18, rue du Château, 68130 Altkirch, tél. 03 89 08 82 59, de mardi à vendredi 10h-18h, samedi-dimanche 14h30-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°239 du 9 juin 2006, avec le titre suivant : Aux confins de la Foire

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