Art contemporain - Fondation

Un Africain en Afrique

Par Christophe Domino · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2006 - 585 mots

L’artiste Cyprien Tokoudagba est l’invité de la Fondation Zinsou, une initiative privée qui propose à Cotonou expositions et animations pédagogiques.

COTONOU (BÉNIN) - Cyprien Tokoudagba avait participé aux « Magiciens de la Terre » en 1989 (1). Ses peintures murales ou sur toile et ses sculptures de ciment peint empruntent au symbolisme vaudou béninois. Depuis, ses toiles ont régulièrement été exposées en Europe, notamment dans « Africa Remix » (2) ou à Monaco, l’été dernier, à travers la Contemporary African Art Collection de Jean Pigozzi. Il incarne à lui seul nombre des questions posées par le regard européen sur les artistes africains contemporains. Sans formation académique, il est longtemps, à Abomey (Bénin), l’un des peintres artisans qui travaillent à la commande, mais deux traits le distinguent : il travaille pour les temples vaudous et, à ce titre, manipule les répertoires symboliques et iconographiques issus de cette riche tradition toujours active. Et il fait preuve d’une précision et d’une rapidité d’écriture picturale hors pair. Cette liberté dans le traitement et les associations d’images ont été renforcées par l’élargissement au tableau sur toile consécutif à « Magiciens ».
Aujourd’hui, Tokoudagba et son œuvre sont dans une position d’inscription à l’échelle à la fois locale, béninoise, et internationale. Cette double adresse de l’œuvre lui donne un intérêt particulier, en plus de sa verve symbolique et graphique. Un intérêt bien compris qui donne son importance à l’exposition « Dahomey Rois et Dieux », visible jusqu’en septembre à Cotonou, au Bénin.

L’exposition constitue un événement en soi, d’abord parce qu’elle présente des œuvres récentes où l’artiste se livre à une relecture à sa manière, à la fois fidèle et inventive, des emblèmes des douze rois du Dahomey, un ensemble de soixante-quatre tableaux – en réponse à une commande spécifique – que complètent quelques dessins, peintures murales et sculptures destinées à être exposées en extérieur. Événement par l’exigence qui a conduit le projet, du point de vue d’objectifs « scientifiques » (accrochage, appareil critique, travail d’accompagnement et programme éducatif) qui ne se trouvent pas si souvent remplis en Afrique, faute de moyens et de conditions favorables. Le catalogue diffusé aussi en Europe donne la mesure du travail accompli. Événement enfin par l’ambition de la Fondation Zinsou, qui porte le projet, soutenue par une volonté d’inscrire dans la réalité béninoise ce double enjeu de la culture traditionnelle et des pratiques artistiques contemporaines. Initiative privée d’une grande famille de Cotonou, la fondation est dirigée par sa toute jeune présidente franco-béninoise, Marie-Cécile Zinsou, qui, depuis à peine plus d’un an, anime le lieu et ses équipes. Ouverte en juin 2005 avec une exposition consacrée à Romuald Hazoumé, elle est installée au cœur de la ville dans des locaux adaptés à l’usage de l’exposition mais aussi de l’animation, la dimension pédagogique marquant fortement son programme. Le projet semble recueillir un réel succès, puisque la fréquentation l’exposition en cours, après un vernissage très couru, est de l’ordre de huit cents visiteurs par jour et que les actions de la Fondation trouvent un public, relevant là un pari qui n’était pas gagné d’avance. Le choix de développer un travail avec Tokoudagba se révèle donc juste à plusieurs endroits. Reste, pour la Fondation et la poursuite de son projet, à trouver des relais et une légitimité au-delà de l’initiative familiale, la plus inspirée soit-elle.

(1) Centre Pompidou, Paris.
(2) Centre Pompidou, 2005.

Cyprien Tokoudagba, Dahomey, Rois et Dieux

Jusqu’au 2 septembre, Fondation Zinsou, Cotonou, tél. 229 21 32 3851, tlj 10h-19h, www.fondation-zinsou.org. Catalogue collectif, 150 pages, ISBN 9-05-779088-2

TOKOUDAGBA

- Commissaire de l’exposition : Marie-Cécile Zinsou - Présentation : en 2 volets, dont l’un, composé de 10 sculptures et de 20 photographies, est itinérant

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°239 du 9 juin 2006, avec le titre suivant : Un Africain en Afrique

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