L’Afrique épate la galerie

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 960 mots

Les galeries parisiennes d’arts primitifs de Saint-Germain-des-Prés saluent l’ouverture du Musée du quai Branly
par un programme d’expositions exceptionnelles. Les objets africains sont particulièrement à l’honneur

Avec l’ouverture du Musée du quai Branly, les plus importants collectionneurs internationaux d’art primitif ainsi que les conservateurs des plus grandes institutions seront présents dans la capitale. Se tiennent également, traditionnellement à Paris en juin, les plus grandes ventes publiques en matière d’arts premiers, à commencer par celle de la collection Vérité (lire p. 19). Le quartier de Saint-Germain-des-Prés où se concentrent nombre d’enseignes prestigieuses spécialisées dans les objets africains, océaniens et précolombiens, s’est préparé à cet événement. Parce que les prix pratiqués en galerie ne sont pas nécessairement en adéquation avec ceux réalisés en ventes aux enchères. L’attrait de Paris est tel que même deux spécialistes belges, Joaquin Pecci Tribal Art et la galerie Claes, se sont installées temporairement à Saint-Germain-des-Prés.
Bernard Dulon a choisi le Cameroun. « Pour la France, il s’agit d’une première. Aucune exposition, publique ou privée, n’a jamais été consacrée aux arts traditionnels de ce pays », souligne le galeriste. Sur les soixante-dix œuvres réunies, possédant pour la plupart un prestigieux pedigree, les productions des royaumes de l’Ouest se taillent la part du lion, avec de très importantes sculptures Bangwa et Bamileke ainsi qu’un bel ensemble de pièces royales perlées. Notons une effigie commémorative Bangwa représentant la sœur du roi Nkengasong, troisième souverain du royaume de Foretia, sculptée de la main du plus célèbre artiste de la région du bassin de Fontem, Ateu Atsa, actif dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les populations du sud du pays seront représentées par les Fang et leurs fameuses figures de reliquaires byeri : les Gbadja, les Bafo, les Douala, ainsi que par les peuples d’origine Ejagham frontaliers avec le Nigeria.
La galerie Ratton-Hourdé expose dans son nouvel et vaste espace de la rue Bonaparte une trentaine de figures byeri Fang du Gabon. « La concavité du visage dont le prognathisme de la bouche accentue l’expression à la fois boudeuse et menaçante ; la coiffe la plupart du temps constituée de plusieurs tresses, les bras musculeux ramassés à hauteur du plexus et le buste tubulaire s’évasant dans la partie médiane pour laisser émerger l’ombilic proéminent et reposant sur les hanches pour former une architecture puissamment structurée sont les caractéristiques de l’art Fang qui, comme le rappelle Daniel Hourdé, comptent parmi les objets les plus convoités de l’art africain. »
Découverte tardivement, à la fin des années 1960, la statuaire des Mumuye du nord-est du Nigeria est la thématique retenue par la Galerie Flak. Près d’une trentaine de grandes figures rituelles rappellent par certains aspects l’œuvre de sculpteurs du XXe siècle comme Henry Moore ou Alberto Giacometti.

Statuaire népalaise méconnue
Trente-six pièces de l’ensemble du continent noir constituent l’exposition montée par Johann Levy.
« Ces objets représentent la collection que j’aurais aimé conserver à titre privé, explique le marchand. J’ai mis de côté il y a cinq ans une petite statuette Tsangui du Gabon aux yeux démesurés, que je ne me suis pas résolu à vendre. Ce chef-d’œuvre transcendant le style établi a donné le “la” au reste de la collection. » Au gré de hasards et rencontres circonstancielles, Johann Levy a réuni des pièces dites « classiques » issues de la statuaire Dogon, Bambara, Fang, Kota, Lega, Vili ou Bembe, mais aussi des sculptures plus expressionnistes telle une statuette Mfunte pour laquelle moins de dix exemplaires sont référencés. Chez Alain Bovis, un hommage est rendu à Jacques Kerchache, dont le rôle fut essentiel dans la création du Musée du quai Branly. Vingt chefs-d’œuvre de sa collection personnelle sont à découvrir dont plusieurs icônes de l’art africain tels : un reliquaire Mahongwe du Gabon, célèbre exemple de représentation anthropomorphe abstraite dans l’art africain ; une tête de cheval Dogon du Mali remarquable pour ses qualités plastiques et d’une dimension exceptionnelle, ou encore une statue d’ancêtre Hemba du Congo à l’extrême intériorité et datant du XVIIIe siècle. Enfin, Renaud Vanuxem nous emmène au Népal d’où proviennent une quarantaine de sculptures en bois. « Sélectionnées pour leur qualité et leur ancienneté (deux ou trois siècles pour certains), ces objets s’attachent à faire découvrir l’importance de la statuaire primitive du Népal, méconnue du grand public et pourtant admirée par de nombreux collectionneurs éclairés, indique-t-il. Ces sculptures sont à acquérir pour des sommes sans aucune commune mesure avec les prix de celles qui sont de qualité égale dans le domaine des arts africains et océaniens. »

- La statuaire SONgye, jusqu’au 24 juin, Galerie Claes, c/o Galerie Nicolas Deman, 12, rue Jacques-Callot, 75006 Paris, www.didierclaes.com - Femina, jusqu’au 25 juin, Joaquin Pecci Tribal Art, c/o Galerie Sellem, 5, rue Jacques-Callot, 75006 Paris. - HOMMAGE À JAQUES KERCHACHE, jusqu’au 22 juillet, Galerie Alain Bovis, 9, quai Malaquais, 75006 Paris, tél. 01 56 24 09 25, du lundi au samedi 11h-13h, 14h30-19h. - AFRICA COLLECTION, jusqu’au 31 juillet, Galerie Johann Levy Art Primitif, 40, rue Mazarine, 75006 Paris, tél. 01 43 25 24 64, du mardi au samedi 10h30-13h, 14h30-19h. - FANG, jusqu’au 30 juillet, Galerie Ratton-Hourdé, 11, rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 46 33 32 02, tlj sauf dimanche 10h30-13h, 14h30-19h. - LA STATUAIRE ARCHAÁ?QUE DE L’OUEST DU NÉPAL, jusqu’au 27 juillet, Galerie Renaud Vanuxem, 52, rue Mazarine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 03 04, tlj sauf dimanche 14h-19h. - MUMUYE, jusqu’au 30 septembre, Galerie Flak, 8, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 46 33 77 77, www.gale rieflak.com, en juin tlj sauf dimanche 11h-19h30, en juillet et septembre du mardi au samedi 11h-13h, 14h30-19h30 (fermé en août). - ARTS DU CAMEROUN, jusqu’au 30 septembre, Galerie Bernard Dulon, 10, rue Jacques-Callot, 75006 Paris, tél. 01 43 25 25 00, tlj sauf dimanche 10h30-12h30, 14h30-19h (fermé en août).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : L’Afrique épate la galerie

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