Ventes aux enchères

Succès phénoménal pour Vérité

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 930 mots

La dispersion de la collection Vérité à Drouot est considérée comme « la vente du siècle » pour les arts premiers. Les 17 et 18 juin, elle a battu tous les records avec un total de 44 millions d’euros.

Dispersée quelques jours avant l’ouverture du Musée du quai Branly, à Paris, la mythique collection Vérité d’arts premiers a largement dépassé les espérances. La totalité des 514 lots a été vendue pour un total de 44 millions d’euros, le double des estimations. Un chiffre sans commune mesure avec celui réalisé par les ensembles les plus prestigieux précédemment passés en ventes publiques, telle la collection Hubert Goldet, dirigée par François de Ricqlès, adjugée pour un peu plus de 12 millions d’euros les 30 juin et 1er juillet 2001 à Paris. Il s’agissait alors du plus gros succès mondial dans cette spécialité avant la vente Vérité.

Compte tenu de la notoriété et de la qualité de la collection, de l’attractivité des estimations comme de l’absence de prix de réserve, un record était attendu. En outre, l’organisation logistique et technique a été sans faille. Les objets exposés selon une scénographie digne d’un musée, au premier étage de l’hôtel Drouot, ont attiré la visite de plus de 15 000 personnes durant les deux jours précédant la vente. Plus d’un millier de personnes ont aussi pu assister à chacune des trois vacations. Dans la salle principale, se sont relayés au marteau Muriel Berlinghi, d’Enchères Rive Gauche, et Rémy Le Fur – commissaire-priseur d’Artcurial venu exceptionnellement prêter main-forte à sa consœur –, tandis qu’il était également possible d’enchérir dans les trois autres salles-relais, équipées d’écrans. Huit enchères supérieures à 1 million d’euros ont été enregistrées au cours de la vente du soir qui réunissait toutes les plus belles pièces africaines. Rémy Le Fur, considéré comme l’un des meilleurs marteaux de Paris, a dirigé les enchères avec assurance et panache. Pour la pièce iconique de la collection, un masque ngil Fang du Gabon d’une insigne rareté, les enchères ont démarré à 500 000 euros. À 2,5 millions d’euros, les deux enchérisseurs dans la course (dans la salle et au téléphone) ont bataillé à coups d’enchères de 500 000 euros sous la conduite de Rémy Le Fur. Le marteau est tombé à 5 millions d’euros au profit de l’acheteur au téléphone. Ce masque acquis pour 5,9 millions d’euros (frais compris) est un record absolu pour un objet d’art primitif et la plus haute enchère en France cette année (toutes spécialités confondues). Une statue de chasseur Tshokwe d’Angola, maintes fois publiée, s’est envolée à 3,78 millions d’euros. Une statue déblé Sénoufo de Côte d’Ivoire d’une extraordinaire qualité plastique est montée à 2,95 millions d’euros tandis qu’une divinité Nimba Baga de Guinée, pièce monumentale et emblématique de l’art africain, est partie à 2,24 millions d’euros. Parmi les autres chefs-d’œuvre, un masque nda Baoulé de Côte d’Ivoire et deux statues Kuyu du Congo ont atteint des enchères de plus de 1 million d’euros.

Beau poisson océanien
Les organisateurs ont tenu secrète l’identité des acquéreurs. Les achats des collectionneurs européens ont cependant été majoritaires. Les marchands comme les institutions internationales, à l’instar du Metropolitan Museum of Art, à New York, ont eu du mal à surenchérir. Les nombreux amateurs qui voulaient s’offrir un « souvenir » de la vente parmi les lots estimés autour de 300 euros, n’ont pas pu soutenir l’engouement général, lequel a parfois décuplé les estimations. Il aura fallu attendre la section océanienne pour voir le Musée du quai Branly manifester son droit de préemption. L’institution, qui avait renoncé aux prix forts pour l’Afrique, voit ses collections enrichies d’un objet Vérité, un gigantesque linteau en bois polychrome de 3,3 mètres de Nouvelle-Guinée, acquis pour 58 333 euros. Si les prix pour l’Océanie ont été très soutenus, aucun n’a atteint le cap du million d’euros. Mais, comme le rappelle l’expert Alain de Monbrison, « seules les pièces polynésiennes font des prix aussi chers que les beaux objets Fang. Et il n’y en avait pas dans cette vente ». La pêche a tout de même été bonne, à considérer l’enchère de 714 816 euros pour un poisson de près de 2 mètres des îles Salomon, un objet inédit pour lequel n’existait aucune de référence de prix. Les objets Malangan de Nouvelle-Irlande ont recueilli un succès fou, telle une effigie cédée 361 000 euros qui provenait des anciennes collections Éluard, Ratton et Vlaminck. L’intérêt a été constant jusqu’au dernier lot de la vacation.

Une fois l’ultime coup de marteau tombé, pendant que certains s’empressaient de faire dédicacer par les différents acteurs de la vente l’historique et magnifique catalogue d’un poids de 3 kilos, Guy Loudmer (commissaire-priseur destitué jusqu’en juillet 2007), officiellement consultant pour cette vente, et qui s’était tenu relativement discret debout au bas de la tribune durant toute la vacation, a pris la parole au micro. Après avoir souligné l’éclatant succès de la vente, il s’est indigné publiquement de la présence de deux représentants du Conseil des ventes volontaires  assistés de deux huissiers venus par ordonnance du tribunal pour surveiller son rôle dans la vente. Il s’est dit « victime depuis plus de six mois d’un terrorisme ». Plusieurs personnes lui ont apporté leur soutien en lui confiant qu’ils attendaient son retour au marteau pour le second semestre 2007. Pour la suite de la vente Vérité ?

Vente Vérité

Experts : Pierre Amrouche et Alain de Monbrison

Résultat : 44 millions d’euros

Nombre de lots : 514

Lots vendus : 100 %

Nombre de préemption : 1

Nombre d’enchérisseurs : 600

Nombre d’acquéreurs : 380

Nombre de catalogues vendus : 6 000

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : Succès phénoménal pour Vérité

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