IIIe République

(Re)connaissez-vous Roger Marx ?

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 811 mots

À Nancy et Paris, plusieurs expositions sur Roger Marx offrent une vision de l’histoire de l’art à travers le prisme du fonctionnaire, critique d’art et collectionneur.

 NANCY - Critique d’art, haut fonctionnaire et collectionneur d’origine nancéenne, Roger Marx (1859-1913) est l’un de ces personnages aux visages multiples que les historiens, n’ayant su classer, ont préféré oublier. L’heure de la réhabilitation est venue pour cette figure centrale de la fin du XIXe siècle. Roger Marx fait aujourd’hui l’objet d’une ambitieuse exposition, partagée entre le Musée des beaux-arts de Nancy et le Musée de l’école de Nancy, ainsi que d’une présentation plus sobre à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris (INHA), enrichie du colloque qui s’est tenu à Paris et Nancy (lire l’encadré).
Doctorante en histoire de l’art à l’université Paris-IV, Catherine Méneux s’est plongée dans les archives Marx conservées à l’INHA pour un résultat qui relève du tour de force. Blandine Chavanne, directrice du Musée des beaux-arts de Nancy, a décidé d’accueillir son projet d’exposition, tandis que Serge Lemoine lui a concédé le prêt d’une centaine d’œuvres du Musée d’Orsay, à Paris. De plus, des collectionneurs privés, parmi lesquels les descendants du critique, lui ont confié leurs trésors. Par son contenu scientifique, « Roger Marx [un critique aux côtés de] Gallé, Monet, Rodin, Gauguin » va plus loin que l’exposition-hommage rendu par le Musée des beaux-arts de Nancy en 1963. Tandis que ce dernier s’intéresse ici au travail du critique d’art et à l’action du fonctionnaire, le Musée de l’école de Nancy se penche sur les relations entretenues avec Émile Gallé et Victor Prouvé.

« Individualisme de l’artiste »
Le rôle tenu par Roger Marx dans le tissage de l’histoire de l’art de l’époque fut essentiel. Né à Nancy en 1859, l’homme s’est très vite intéressé aux artistes locaux, publiant un premier ouvrage, L’Art à Nancy, à l’âge de 23 ans. Parallèlement à une multitude d’articles critiques, il débute sa carrière de fonctionnaire au bureau des Travaux d’art (1) en 1883, avant d’être nommé inspecteur principal des musées départementaux en 1889. Estimé pour son goût, Roger Marx réussit parfaitement à concilier ses missions étatiques – protecteur de la création contemporaine, garant de la diversité de l’art français et responsable de l’éducation artistique –, ses liens avec des artistes comme Auguste Rodin et Eugène Carrière, son rôle de critique et la formation de sa propre collection. Idéaliste républicain, il croyait fermement au mythe de l’artiste polyvalent de la Renaissance, tout comme à la démocratisation de la création. Il soutenait particulièrement l’art de l’estampe et de la médaille, aisément reproductibles – l’Exposition centennale de l’art français en 1900, dont il est commissaire, salue les arts décoratifs. « Ses deux grands articles de foi étaient l’individualisme de l’artiste, seul garant d’un art indépendant et original, et l’unité de l’art », explique Catherine Méneux dans le catalogue commun aux deux expositions. « Quel que fut le style, le sujet ou le médium, l’art pour Roger Marx se devait d’avoir un sens, de transporter, et d’être poétique », ajoute Blandine Chavanne.

Liens critiques
La sélection des œuvres à Nancy est à l’image de l’art de la critique : subjective. Aux œuvres du collectionneur privé et à celles acquises par l’État par son entremise, s’ajoute un corpus représentatif des choix du critique : symbolisme, Nabis, Art nouveau, fauvisme… Blandine Chavanne souligne la pluralité des niveaux de lecture proposée par l’exposition. Tandis que le grand public peut découvrir une pléthore de chefs-d’œuvre, tels les célèbres Christ Jaune de Paul Gauguin ou La Cathédrale de Rouen par Claude Monet, les spécialistes se pencheront sur le personnage de Roger Marx, notamment grâce au catalogue, d’une richesse rare et qui, pour chaque œuvre, propose en guise de notice un retour sur les liens du critique avec l’artiste. Car aujourd’hui plus que jamais, l’étude de la critique est essentielle à la compréhension de l’histoire de l’art et à l’interprétation des œuvres.

(1) ancêtre du FNAC (Fonds national d’art contemporain).

Roger Marx

- Commissaires de l’exposition : Catherine Méneux, doctorante à l’université Paris-IV Sorbonne, Blandine Chavanne (Musée des beaux-arts de Nancy), Valérie Thomas (Musée de l’école de Nancy), Jérôme Perrin (villa Majorelle, Nancy), Anne Pingeot et Philippe Thiebaut (Musée d’Orsay) - Nombre d’artistes : environ 130 - Nombre d’œuvres : plus de 260 (38 huiles, 77 œuvres sur papier, 79 objets d’art, 18 sculptures, 20 ouvrages, 25 médailles…) - Nombre de salles : 7 au MBA de Nancy et 4 au MEN - Scénographe : Jérôme Habersetzer ROGER MARX [UN CRITIQUE AUX CÔTÉS DE] GALLÉ, MONET, RODIN, GAUGUIN, jusqu’au 28 août, Musée des beaux-arts, 3, place Stanislas, 54000 Nancy, tél. 03 83 85 30 72, www.mairie-nancy.fr, tlj sauf mardi 10h-18h ; Musée de l’école de Nancy, 36-38, rue du Sergent-Blandan, 54000 Nancy, tél. 03 83 40 14 86, www.ecole-de-nancy.com, tlj sauf lundi et mardi 10h30-18h. Catalogue, coéd. Ville de Nancy/éditions Artlys, 320 p., 45 euros, ISBN 2-85495-272-3.

De père en fils

Tous deux critiques, collectionneurs et historiens de l’art, Roger Marx et son fils Claude Roger-Marx (1888-1977) sont souvent confondus. Une présentation succincte de leurs archives, conservées à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), à Paris, devrait permettre de mieux les distinguer. Cette exposition revient sur les artistes qu’ils ont défendus, et observe leurs approches respectives de la critique d’art. Parallèlement, un colloque organisé conjointement par la Ville de Nancy et l’INHA, les 31 mai, 1er et 2 juin, a permis d’approcher le contexte historique et artistique du travail de Roger Marx, avec une question en filigrane : « Qu’est-ce qu’un critique ? ». « Critiques d’art et collectionneurs, Roger Marx et Claude-Roger Marx », Institut national d’histoire de l’art, Galerie Colbert, 2, rue Vivienne, 75002 Paris, tél. 01 47 03 89 00. Jusqu’au 9 juillet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : (Re)connaissez-vous Roger Marx ?

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