Art ancien

Mouvements de l’âme

Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 596 mots

À l’occasion d’une nouvelle donation au Musée Bossuet, Meaux réunit une cinquantaine d’œuvres issues de la collection de Jean-Pierre Changeux.

 MEAUX - Collectionneur éclairé, le scientifique Jean-Pierre Changeux fait régulièrement don au Musée Bossuet à Meaux (Seine-et-Marne), depuis 1983, de tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles. Un choix guidé par l’envie que ces œuvres puissent enrichir les collections d’un musée proche de Paris et où elles puissent être présentées en permanence. Le cadre du palais épiscopal du XVIIe siècle s’est révélé idéal, et les vingt-six toiles offertes à l’institution au cours de ces vingt dernières années constituent le point fort des collections. À cet ensemble déjà important s’ajouteront prochainement quatorze nouveaux tableaux issus de la collection Annie et Jean-Pierre Changeux. Placés dans un premier temps en dépôt à Meaux, ils feront progressivement l’objet, au rythme d’une ou de deux œuvres par an, d’un don ou d’une donation. D’ici six ans, ce seront ainsi une quarantaine de tableaux qui entreront définitivement dans les collections du musée. En forme d’hommage aux collectionneurs, la conservatrice Anne-Édith Maillard a conçu l’exposition « Les passions de l’âme », composée d’une cinquantaine d’œuvres acquises par les Changeux, auxquelles s’ajoutent trois œuvres appartenant au Louvre.
La présentation s’ouvre sur le maniérisme de la fin du XVIe siècle (français mais aussi espagnol et italien), et court jusqu’au début des années 1830. La collection est particulièrement intéressante pour son apport à l’histoire de l’art français, puisqu’elle recèle des tableaux pour la plupart peu connus, voire inédits, aux sujets parfois non identifiés ou à l’attribution incertaine. Elle montre aussi la connaissance et la clairvoyance du collectionneur. Certaines œuvres ont été attribuées à de grands maîtres de la peinture (ainsi Le Nain) bien après leur achat. « Des œuvres qui étaient accessibles il y a vingt ou trente ans et qui ne le seraient plus aujourd’hui », précise Anne-Édith Maillard. L’une des forces de cette collection, considérée par la conservatrice comme « une manne céleste » pour le musée, se trouve dans sa remarquable unité. La plupart des œuvres appartiennent au « grand genre », la peinture d’histoire et l’iconographie religieuse. N’y figurent aucun portrait, ni nature morte, et deux paysages seulement. Annie et Jean-Pierre Changeux s’intéressent avant tout à une peinture des sentiments exaltés, qui trouve son plus bel aboutissement dans le baroque, art de propagande, de séduction, où les personnages sont emportés par les mouvements de l’âme et des passions. D’où le titre de l’exposition, directement référencé à Descartes et à son Traité des passions.

Art, science et sentiments
Les sentiments sont également au centre des recherches scientifiques de Jean-Pierre Changeux, spécialiste en neurobiologie de la perception sensorielle. Le chercheur n’a eu de cesse d’étudier ce rapport étroit entre art et science dans les différentes expositions qu’il a conçues (« L’âme au corps » au Grand Palais, à Paris, en 1993, en collaboration avec Jean Clair ; « Le temps des Lumières » à Nancy en 2005).
La peinture religieuse règne en maître sur cet ensemble d’une grande qualité où l’on croise des œuvres inédites des frères Le Nain, de Jacques Stella, Claude Vignon, Sébastien Blanchard, Bon et Louis Boulogne, Noël Coypel, Charles de La Fosse, Jean Restout et Jean-François de Troy. Souvent de petit format, les tableaux réunis privilégient les scènes rapprochées, intimistes, d’où jaillit l’expression des sentiments (Saint François adorant le crucifix, peint par Frère Luc, est particulièrement émouvant).Cette exposition, comme l’important catalogue qui l’accompagne, devrait faire date.

Les passions de l'âme

- Nombre d’œuvres : 50 - Nombre de salles : 6 - Commissariat scientifique : Jean-Claude Boyer, CNRS, et Jean-Pierre Changeux, de l’Institut

LES PASSIONS DE L’ÂME, PEINTURES DES XVIIE ET XVIIIE SIÈCLES DE LA COLLECTION CHANGEUX

Jusqu’au 27 août, Musée Bossuet, 5, place Charles-de-Gaulle, 77100 Meaux, tél. 01 64 34 84 45, tlj sauf mardi 10h-12h et 14h-18h. Fermé le 14 juillet. Catalogue, éd. Odile Jacob, 192 p., 37 euros, ISBN 2-7381-1810-0. L’exposition ira au Musée des Augustins, à Toulouse, du 16 septembre au 28 novembre, puis au Musée des beaux-arts de Caen, du 9 décembre au 12 février 2007.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : Mouvements de l’âme

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque