Lisa Dennison : « New York, source d’énergie »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2006 - 834 mots

Lisa Dennison, co-commissaire de l’exposition « New York, New York » au Grimaldi Forum, revient sur la spécificité de la Grosse Pomme en tant que capitale artistique.

De nombreuses expositions ont déjà porté sur New York et son histoire. Quel point de vue avez-vous adopté pour donner à voir la scène new-yorkaise dans toute la complexité et la diversité de sa création ?
Notre point de vue est exactement de montrer cette complexité, la diversité, l’excitation, la manière d’utiliser des langages multiples qui interfèrent entre eux. Les croisements entre peinture et sculpture sont le point principal de l’exposition, mais nous voulons également montrer comment de nombreux artistes ont travaillé d’autres langages, telles la vidéo ou la performance. Dans un sens, nous cherchons à répondre à la question : quelle est la signification de New York ? Pourquoi New York a-t-elle incité ces artistes à venir y travailler, à se lier à une sorte de communauté, à s’installer « downtown », à participer à une scène artistique changeante qui émergeait dans le « Lower Manhattan » ? Comment s’est initié le lien entre l’art et le commerce ? Qu’était cette « capitale de la peur » qui a rendu ce lieu difficile, New York, si important pour leur travail ? Le titre, « New York, New York », agit comme un retour à la ville, à une source d’énergie.

Vous êtes-vous référée aux expositions historiques du Centre Pompidou pour construire la vôtre ?
Si nous regardons les modèles, telles les grandes expositions « Paris-New York » (1977) ou « Paris-Berlin » (1978), nous n’établissons pas ce genre de dialogue spécifique. Nous ne faisons pas « New York parle à New York ». Mais nous essayons d’utiliser une part de cette méthodologie de confluence entre tous les arts comme un fondement pour l’exposition, tout en gardant à l’esprit cette donnée : le dialogue a eu lieu à New York.

Vous semblez ne pas vouloir montrer New York exclusivement comme un centre de production artistique, mais aussi à la manière d’une icône.
Exactement. C’est un peu comme Paris, quand vous pensez à son histoire, au cinéma, à l’art… Lors de la construction de la tour Eiffel, le monument a été représenté dans de nombreuses œuvres. Si vous regardez Manhattan, les gratte-ciel, la statue de la Liberté et même le World Trade Center apparaissent souvent dans les œuvres, comme la matière même de l’art.

Avez-vous tenté d’intégrer une lecture européenne dans la construction de cette exposition ?
Oui, j’ai été très excitée par l’opportunité de travailler avec Germano Celant, car nous ne sommes pas de la même génération et il regarde l’art américain depuis une perspective européenne. Il lit différemment la perception et la signification, pour le monde de l’art, du déplacement du centre artistique depuis l’Europe vers New York. Puis, vers la fin des années 1970, le monde de l’art est devenu décentralisé. Cette permanence d’une capitale a totalement disparu, au profit d’une sorte de globalisation de l’économie des échanges. Comment ont été faites, achetées et vendues les œuvres d’art ? Quelle fut l’influence du marché ? Cette complexité mise en perspective, pas seulement par un commissaire américain mais aussi par un regard européen, est particulièrement importante.

D’autant plus que l’exposition s’adresse à un public européen et pas nécessairement spécialiste…
Pour nous, il est important que ce soit une exposition conçue pour des publics qui peuvent ne pas s’intéresser spécifiquement à l’histoire de l’art. Nous voulons qu’ils emportent quelque chose de cette période. Par exemple, nous n’avons pas programmé de films dans l’auditorium, car c’est l’été et personne ne va aller s’asseoir dans un espace noir pour regarder pendant deux heures Taxi Driver ou un autre grand film. Nous voulons intégrer les films à l’exposition.

Quels ont été vos critères pour la sélection des plus jeunes artistes ?
Au début, nous voulions faire une exposition qui couvre une période de cinquante ans, soit de 1945 à 1995, mais c’était un petit peu artificiel. Nous avons donc repoussé la limite à 2000, et avons souhaité sélectionner environ dix artistes plus jeunes. On retrouve ainsi en fin de parcours des artistes comme Sue Williams, Tom Friedman ou John Currin. Nous voulions que ces artistes soient représentatifs de différents axes de travail, qu’ils soient présents sur la scène actuelle. Nous souhaitions qu’ils soient déjà quelque peu établis, collectionnés par des musées… Mais on ne peut pas savoir où ira leur travail. Nous verrons au cours des prochaines générations s’ils entrent dans l’histoire.

Est-il possible, en quelques mots, de définir ce qu’est pour vous l’art de New York ?
Je pense que là est la question : vous ne pouvez pas dire : « c’est l’art de New York. » Au cours de chaque décennie, à chaque tournant de l’histoire, « l’art de New York » a signifié autre chose et New York est autre chose. Nous voulons aborder toutes ces périodes, c’est pourquoi elles constituent les chapitres de l’exposition. À Monaco, nous montrons combien chaque époque de l’histoire est spécifique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Lisa Dennison : « New York, source d’énergie »

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