Profession

Restaurateur de mobilier ancien

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 799 mots

Après avoir longtemps pratiqué seuls la remise en état de meubles anciens,
les ébénistes doivent désormais compter avec des spécialistes de la restauration.

À l’occasion du prochain Salon du patrimoine à Paris, qui se déroulera du 9 au 12 novembre, Benoît Marcu, ébéniste de formation, et ses compagnons vont sortir pour la quatrième année consécutive « de la poussière de leur atelier » de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour mettre en avant leur savoir-faire en terme de restauration de mobilier ancien. Sur leur stand, ils travailleront sur un prestigieux lit Empire portant la marque au feu du château des Tuileries. Si cette participation au Salon ne permet pas forcément de remplir le carnet de commandes, elle renforce les liens avec une clientèle particulière, en quête d’un rapport de confiance solide avec celui qui pourrait être amené à restaurer les précieux meubles de famille. Le tout, bien souvent, pour un coût exorbitant.
Depuis des siècles, la restauration de mobilier a été exercée par des gens de métier : les ébénistes. Dans les années 1980, des exigences en termes de déontologie ont toutefois fait émerger une nouvelle profession, celle des conservateurs-restaurateurs spécialisés dans le mobilier. Formés dans des filières spécifiques, ces derniers disposent souvent – depuis la loi relative aux musées de France (4 janvier 2002) – d’un monopole sur les interventions concernant les pièces de musées, une habilitation étant désormais exigée. D’après la Fédération française des conservateurs-restaurateurs, ces professionnels ont pris une distance avec l’artisanat et les métiers d’art, quitte à créer un nouveau corporatisme. Un certain nombre d’entre eux dénoncent en effet les errements d’ébénistes privilégiant l’usage de l’objet meublant pour justifier des interventions destinées à remplacer ou à refaire à l’identique les parties abîmées, au détriment de la qualité intrinsèque de la pièce. Ponçage, raclage, regravure, sciage de pieds sont autant de pratiques autrefois courantes qui sont désormais proscrites par ces restaurateurs professionnels.

Guidés par le meuble
Les ébénistes réfutent toutefois cette vision manichéiste de leur travail. Pour Benoît Marcu, qui restaure des meubles anciens depuis 25 ans, c’est en effet une attitude plus pragmatique qui doit primer. « Tout dépend du client pour lequel s’effectue le travail, précise-t-il. La restauration peut s’aborder de différentes manières. Un particulier [soit 90 % des donneurs d’ordres] voudra une restauration invisible, alors qu’un musée, au contraire, veut conserver la lisibilité et la réversibilité des interventions ». Lorsque le client est un antiquaire, la démarche est encore plus spécifique car il s’agit souvent de maquiller les interventions, susceptibles de faire chuter la valeur marchande du meuble. Si, « faute de temps », Benoît Marcu n’a pas encore passé cette habilitation indispensable pour travailler avec les musées publics, il n’y est pas hostile pour autant, tout en considérant qu’elle n’est pas suffisante pour être compétent. L’expérience demeure en effet une garantie de professionnalisme. Car la restauration d’un meuble relève d’un processus long et complexe, qui peut requérir plusieurs centaines d’heures de travail. La maîtrise d’une mixité de connaissances – sur la construction du meuble, son histoire, ses modalités de mise en œuvre et de décor (marqueterie, laque, bois doré, vernis…) – est par ailleurs indispensable. Un diagnostic préalable est établi en accord avec le client, puis la pièce est dépouillée de ses accessoires – bronzes ou garnitures sont confiés à des spécialistes – avant d’être restaurée. Il n’existe cependant aucune recette type et les choix sont avant tout guidés par le meuble.
Si de nombreux ébénistes ont acquis une solide réputation dans le domaine de la restauration, l’absence d’enseignement spécialisé dans les centres de formation et d’apprentissage pose un réel problème. Celle-ci est d’autant plus accentuée par la raréfaction des maîtres d’apprentissage susceptibles d’accueillir au sein de leurs ateliers des jeunes stagiaires, afin de leur prodiguer les bases d’une culture du mobilier ancien et les savoir-faire spécifiques à la restauration. Sans oublier ce principe que nous rappelle Benoît Marcu : « Le restaurateur n’est pas un créateur. Il doit rester dans l’ombre, se fondre dans l’empreinte du créateur. C’est comme lorsqu’on entre en scène au théâtre : il faut laisser de côté sa personnalité pour endosser son rôle ».

Formations

- L’Institut national du patrimoine (INP) délivre une formation de conservateur-restaurateur du Patrimoine spécialisé dans le mobilier. Durée : cinq ans. L’INP propose également une formation permanente destinée aux professionnels ainsi qu’une préparation à l’habilitation. INP, 2, rue Vivienne, 75002 Paris, tél. 01 44 41 16 41, www.inp.fr - L’école Boulle vient d’ouvrir un atelier délivrant le diplôme des métiers d’art (DMA) « restaurateur de mobiliers anciens ». Durée : deux ans. L’école Boulle offre elle aussi une formation continue. École Boulle, 9, rue Pierre Bourdan, 75012 Paris, tél. 01 44 67 69 67, www.ecole-boulle.org Les centres de formations et d’apprentissage spécialisés dans l’ameublement ne dispensent pas de formations spécifiques au métier de restaurateur de mobilier.

A noter

Benoît Marcu présentera son savoir-faire lorsdu Salon du patrimoine,qui aura lieu à Paris,au Carrousel du Louvre, du 9 au 12 novembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Restaurateur de mobilier ancien

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