Champagne

Fièvre Art déco

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 719 mots

À travers un parcours mettant en exergue le patrimoine de la ville, le Musée des beaux-arts de Reims s’interroge sur les racines et les différentes formes de l’Art déco.

 REIMS - Dans le cadre de la manifestation « Reims et l’Art déco », le Musée des beaux-arts de la ville célèbre le patrimoine artistique rémois de l’entre-deux-guerres. Détruite à plus de 80 % pendant la Première Guerre mondiale, Reims devient, dans les années 1920, le laboratoire privilégié de ce style prônant la pureté des formes et les constructions géométriques. Dénommé a posteriori dans les années 1960, l’Art déco se définit comme un art total. En témoignent la quantité et la diversité des pièces réunies : peintures, sculptures, dessins, tapisseries, ferronneries, vitraux, laques, émaux, reliures, affiches, vêtements de luxe, agrémentées de photographies d’époque et documents audiovisuels. « Il s’agissait de dépasser les idées reçues sur l’Art déco. Le parcours suggère les drames qui ont précédé les années folles. La période est pleine d’amertume avec une angoisse profonde qui perdure », explique le directeur du Musée et commissaire de la manifestation, David Liot. Et de préciser : « Nous voulions sortir du manichéisme ambiant concernant les arts du XXe siècle. Montrer qu’il y a beaucoup de perméabilité entre les courants et que la Grande Guerre ne représente pas forcément une rupture dans les arts décoratifs, provoquant le passage de l’Art nouveau à l’Art déco. » La reconstruction de Reims emprunte effectivement en grande partie à l’esthétique d’avant-guerre et les caractéristiques principales de l’Art déco rémois prennent leurs racines avant 1914.

Se réapproprier la ville
L’exposition – la plus importante que le Musée ait jamais organisée – présente un bel ensemble de Jean Goulden (1878-1946), créateur trop souvent absent des manifestations Art déco en raison du faible nombre d’exemples subsistant de sa production. Parmi les pièces signées Goulden, il en est une d’exception : le coffret réalisé à la demande des grandes maisons de Champagne, pour sa Majesté la reine Elisabeth II. Prêté pour la première fois depuis sa création en 1935, ce coffret reliquaire en argent massif et émail fut exécuté dans l’atelier rémois de l’artiste pour être offert aux souverains britanniques à l’occasion du jubilé d’argent de l’accession au trône du roi George V et de la reine Mary. Présenté au regard d’esquisses préparatoires, il confirme les talents de dessinateur et de coloriste de Goulden. Autre pièce des plus précieuses : La Sainte face (1925), huile sur toile exécutée par Desvallières (1861-1950) provenant des Musées du Vatican, inédite en France. Le Mobilier national a lui aussi fait preuve de générosité en prêtant des pièces rares comme ce paravent à douze feuilles de Jean Dunand intitulé La Forêt (1930-1931). Réunissant des noms célèbres – Sonia Delaunay, Antonin Daum, Lalique, Paul Jouve, ou encore Raymond Subes pour un chapitre sur le paquebot Normandie –, le parcours offre également l’occasion de découvrir des créateurs tel Gaston Suisse dont est proposé une élégante table basse en laque de Chine et coquille d’œuf. Pour évoquer l’architecture, chaque section est introduite par la photographie d’un monument emblématique de l’Art déco rémois, comme l’église Saint-Nicaise (dans laquelle est intervenu Maurice Denis), monument classé récemment, et qui mériterait d’importants travaux de restauration. « Nous voulions que les Rémois se réapproprient leur ville, trop souvent réduite à l’image d’une cité fantôme au lendemain de la Grande Guerre, alors qu’elle abrite aussi ce formidable ensemble Art déco », précise David Liot. La mission est accomplie. Le parcours finit sur la maquette et des images des halles du Boulingrin, fleuron de l’architecture en béton armé conçues en 1927. Un temps pressenti pour accueillir une partie du Musée des beaux-arts (lire le JdA no 227, 16 décembre 2005), les halles devraient être restaurées d’ici peu. Quant au Musée, il est toujours dans l’attente d’un aménagement cohérent – que ce soit sur le site actuel ou dans une nouvelle construction – et de réserves dignes de ses très belles collections. Espérons que ces projets soient engagés avant les municipales de 2008…

- L’ART DÉCO DE REIMS À NEW YORK, jusqu’au 11 février 2007, Musée des beaux-arts, 8, rue Chanzy, 51100 Reims, tél. 03 26 47 28 44, tlj sauf mardi, 10h-12h et 14h-18h. Catalogue, éditions Hazan, 256 p., 39 euros. - REIMS ET L’ART DÉCO, jusqu’en février 2007, manifestation culturelle dans toute la ville, www.reimsartdeco.fr

Reims et l'Art déco

- Superficie : 700 m2 - Nombre d’œuvres : plus de 240 - Nombre de sections : 6 - Commissaire : David Liot, directeur du Musée, et Catherine Delot, conservateur au Musée - Scénographie : Didier Blin, architecte-muséographe

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Fièvre Art déco

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