Les musées rattrapés par l’économie

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 15 décembre 2006 - 333 mots

L’économie a pris ces dernières années une importance de plus en plus grande dans les choix politiques, stratégiques, sociaux de nos sociétés. Parmi les différents secteurs de la culture, le monde des musées en France a été jusqu’ici relativement épargné par ses diktats. Pourtant, deux événements récents montrent indéniablement que les choses sont en train de changer. Premièrement, après l’ouverture du Louvre-Atlanta, le ministère de la Culture est en négociation avec Abou Dhabi pour la création d’un musée dans les Émirats arabes unis, n’hésitant pas à demander une rétribution pour l’utilisation de la marque « Louvre ». Ensuite, la remise le 4 décembre du rapport sur « L’économie de l’immatériel » par Maurice Lévy, président de Publicis, et Jean-Pierre Jouyet, chef de l’inspection générale des Finances, au ministre de l’Économie et des Finances, Thierry Breton, enfonce le clou. Sous-titrée « La croissance de demain », cette somme de 184 pages incite les musées à valoriser leurs noms au même titre que des marques, une logique que seule suivait jusqu’à présent une institution privée, la Fondation Guggenheim. Ce rapport, dont l’un des deux signataires – Maurice Lévy – est aussi président du conseil d’administration du Palais de Tokyo, préconise, dans un paragraphe intitulé « Les établissements culturels sont privés de la capacité de mettre leurs œuvres au service de leur marque », que les musées puissent louer ou même vendre certaines pièces de leurs collections. Cette approche, qui considère tableaux et sculptures comme des actifs, risque d’ouvrir une boîte de Pandore. Le Louvre-Atlanta offre un premier exemple d’abus, comme l’a révélé Libération le 4 décembre : le musée, qui ne possède aucun tableau de Vélasquez, en présente pourtant un aux États-Unis ! L’Infante Marie-Marguerite, une œuvre d’atelier, est certainement plus sexy pour les Américains lorsqu’elle est gratifiée du nom du célèbre maître. La prudence s’impose donc, car si « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres », comme l’a déclaré Nicolas Sarkozy le 9 novembre à Saint-Étienne, à l’évidence la culture non plus.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : Les musées rattrapés par l’économie

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