Paroles d’artiste

Silvia Bächli

« Le dessin est pour moi proche de l’écriture »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 877 mots

Dans le cadre de la foire Art Paris, le premier Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain a été décerné à Silvia Bächli (née en 1956 à Baden, Suisse).

 Vous présentiez seulement six dessins pour le Prix. Comment avez-vous effectué ce choix ?
Pour les expositions, je pars en général des plans. Quand j’ai su que je disposerai d’un mur de cinq mètres de long, j’ai décidé de montrer des choses différentes. J’aurais pu accrocher deux grandes œuvres, mais j’ai préféré en voir une grande et plusieurs petites, qui présentaient différentes techniques. Je n’avais pas un choix énorme de dessins disponibles. Beaucoup étaient pris par une exposition organisée actuellement au Museu Serralves à Porto, au Portugal. Mon désir initial était d’exposer seulement des dessins récents. J’ai donc cherché dans mes cartables, j’en ai choisi plusieurs, puis réfléchi à un ordre avant de me décider définitivement. Au début, j’ai cru que mon nom serait inscrit sur le mur à droite. J’avais donc prévu d’accrocher la grande feuille à gauche et les petites à l’opposé. J’ai finalement dû faire l’inverse, mais je suis heureuse du résultat. J’ai tout de même dû retravailler un peu ici [sur Art Paris], pendant l’installation, et trouver un autre ordre d’accrochage.

L’assemblage de vos dessins serait-il presque aussi important pour vous que leur exécution elle-même ?
Oui, je crois que c’est comme un deuxième pas. Dessiner va généralement assez vite. Puis j’effectue un tri, peut-être deux ou trois jours après, car lorsqu’on dessine très vite il y a toujours des dessins qui sont moyennement bons, voire pas du tout. Quand j’expose, le plan du mur est pour moi aussi important que les dessins, car il faut trouver une manière juste de les faire jouer ensemble. Les distances entre chacun d’entre eux leur ajoutent quelque chose. Cette organisation représente un travail assez difficile, mais que j’aime bien faire.

Cette mise en place est-elle comme une continuité du geste, ou bien s’agit-il d’un autre type de geste ?
C’est un autre type de geste parce cela donne la possibilité d’effectuer des rapprochements entre des choses qui parfois leur font dire le contraire, ou bien entre des pièces où sont utilisées des techniques très diverses. Il y a donc une troisième possibilité.

Pourquoi le dessin est-il chez vous une pratique exclusive ?
C’est peut-être pour moi le moyen avec lequel je parviens le plus simplement à m’exprimer. Au début, pendant une très courte période, j’ai essayé la peinture, mais j’ai trouvé que cela ne marchait pas. J’éprouve beaucoup plus de liberté en n’ayant à exécuter que des traits sur le papier, sans une grande préparation préalable, sans travail sur le fond du support. Je peux ainsi laisser libre quelque chose, que le spectateur va compléter.

D’où viennent votre inspiration et le choix de vos motifs ?
Ils peuvent venir de partout. Par exemple, si je regarde ma main gauche et dessine des doigts, il y a peut-être au même moment une mouche qui circule dans mon atelier, qui fait du bruit, et ça peut se révéler le point de départ d’un autre dessin. Ou bien je me souviens du chemin que j’ai emprunté hier, où je me suis promenée, où je me suis arrêtée…

Quand vous commencez un dessin, intégrez-vous l’imprévu ou savez-vous ce que vous voulez  faire ?
C’est moitié-moitié. J’ai parfois une idée claire à laquelle je me tiens. D’autres fois je commence par exemple avec une partie du corps, mais si cela rate j’offre au dessin une seconde chance et il devient quelque chose de complètement différent.

Vos dessins sont toujours gris ou noirs sur un fond sobre. Recherchez-vous une certaine neutralité ?
Cela me permet de mélanger plusieurs types de dessins. Utiliser de la couleur rend le travail beaucoup plus compliqué. Le dessin étant toujours pour moi un peu proche de l’écriture, il me semble évident d’utiliser toute cette palette de noirs, qui est tout de même très importante et permet beaucoup de nuances.

On a l’impression que les choses ne sont jamais arrêtées ni figées dans le temps…
Vous avez raison, on a souvent l’impression que ce que l’on voit n’est pas la chose la plus importante. C’est juste à côté, ou bien c’était juste avant… ou après.

Que pensez-vous de ce prix de la Fondation Guerlain, spécifiquement axé sur le dessin ?
C’est une bonne idée d’avoir mis l’accent sur le dessin. En Suisse, cela se fait depuis trente ans, mais j’ai l’impression qu’en France c’est un peu plus nouveau, ou que cela a été oublié pendant un certain temps, en pensant que les dessins étaient seulement des croquis préparatoires à la peinture. Évidemment, quand on est appelée à participer on s’en réjouit, car la sélection est rigoureuse. Sans flagornerie, j’ai toutefois le sentiment que les trois prix auraient pu être égaux, car les univers de Javier Pérez et de Jean-Luc Verna sont tous les deux forts et cohérents, chacun dans leur registre. Il a dû être très difficile de choisir !

Les œuvres du Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain ont été exposées dans le cadre d’Art Paris, salon organisé au Caroussel du Louvre du 29 mars au 2 avril.
Silvia Bächli expose au Museu Serralves à Porto, au Portugal, du 13 avril au 1er juillet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : Silvia Bächli

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