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Nostalgie Atget

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 484 mots

La BNF présente la première rétrospective du photographe.

PARIS - L’exposition de la Bibliothèque nationale de France s’ouvre sur une image peu flatteuse, mais qui révèle avec justesse la personnalité d’Eugène Atget (1857-1927). Photographié en 1927 par Berenice Abbott, la jeune assistante de Man Ray, le photographe y apparaît en vieillard voûté, arpenteur usé du pavé parisien. Saisi peu avant sa mort, Atget a déjà sa carrière derrière lui, mais pas encore les honneurs de la célébrité. Un an après sa mort, Berenice Abbott rachète plusieurs milliers de tirages du fonds de son atelier qu’elle s’attache à faire connaître aux États-Unis avant de les vendre, en 1968, au Museum of Modern Art de New York. Si, outre-Atlantique, Atget aura influencé la génération de Walker Evans et de Lee Friedlander, en France, le photographe reste avant tout le témoin clef du Vieux Paris, auteur d’images inégalées sur une capitale pittoresque en train de s’évanouir dans la modernité. Photographe par dépit, faute d’avoir réussi dans la peinture et la comédie, Atget se spécialise dans les images destinées aux peintres, à qui il livre des clichés divers : des petits métiers de Paris aux ornements d’architecture, des intérieurs parisiens aux vues de parcs, sans oublier les zoniers, ces miséreux entassés sur les franges de la capitale. Si le travail semble ingrat, le photographe se prend au jeu et constitue patiemment des séries puis des albums, qu’il vend aux musées et aux bibliothèques, où ils sont référencés comme de la documentation. En 1906, Marcel Poëte, premier professeur d’histoire urbaine et conservateur de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, lui commande une Topographie du Vieux Paris, destinée à compléter la collection de clichés de Charles Marville déjà détenue par l’institution. Atget procède alors à sa première approche systématique, fixant et répertoriant méticuleusement tous les lacis de ruelles, les façades et cours d’immeubles décrépis de la capitale. Ses photos, et notamment ses vues de vitrines emplies de mannequins dénués d’humanité, ont fasciné les surréalistes. De même, la génération des avant-gardes a fait d’Atget un père fondateur de la photographie moderne, et ce dès les années 1930. Mais Atget eut-il une réelle ambition artistique ? Si l’aspect documentaire domine, certains clichés – de qualité technique variable – sont emprunts d’une atmosphère étrange, qui dépasse la seule volonté descriptive. Devant son objectif, les artisans prennent la pose, alors que les vues de parcs historiques sont aussi l’occasion de saisir de véritables portraits d’arbres ou des perspectives géométriques des bassins et des parterres. Recherche de perfection pour un travail avant tout sériel ? Peut-être. Tout jugement catégorique sur les ambitions d’Atget, qui n’a jamais rédigé une ligne sur son travail, risque cependant de se révéler vain.

Atget

- Commissaire : Sylvie Aubenas, conservatrice générale, BNF ; Guillaume Le Gall, maître de conférences, université Paris-IV (Sorbonne) - Nombre de salles : 7 - Nombre d’œuvres : 350 - Scénographie : Agence NC/Nathalie Crinière

ATGET, UNE RÉTROSPECTIVE

Jusqu’au 1er juillet, Bibliothèque nationale de France (BNF), site Richelieu, galerie de photographie, 58, rue de Richelieu, 75002 Paris, tél. 01 53 79 49 49, www.bnf.fr, tlj sauf lundi 10-19h, dimanche 12h-19h. Catalogue, coéd. BNF/Hazan, 288 p., 45 euros, ISBN 978-2-7541-0166-0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : Nostalgie Atget

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