Art indien

La cour gupta s’invite à Paris

Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 686 mots

Portée par une volonté diplomatique, l’exposition du Grand”ˆPalais exalte l’Inde
au temps des souverains gupta, un âge d’or pour l’art indien.

 PARIS - Le temps d’une exposition, le Grand Palais, à Paris, se transforme en temple bouddhique. Plus de cent chefs-d’œuvre de la sculpture indienne, prêtés par dix-sept musées parmi lesquels le National Museum de New Dehli (Inde), y sont exceptionnellement réunis. Cet événement est le produit de l’étroite collaboration entre Jean-François Jarrige, président du Musée Guimet, et Munish Chandra Joshi, ancien directeur général de l’Archaeological Survey of India de New Dehli, récemment disparu. En invitant ces trésors, la France se fait l’écho d’une Inde qui brille économiquement et culturellement. La visite d’État du président Jacques Chirac dans ce pays en 1998 n’est pas étrangère à la tenue de cette exposition qui s’est ouverte quelques semaines seulement avant la fin de son mandat.
Les commissaires ont choisi de s’intéresser à l’époque féconde des Gupta (IVe-VIe siècle), dynastie d’empereurs tolérants et éclairés d’Inde du Nord, qui porta cette civilisation à son apogée. La sculpture classique est évoquée au fil de la chronologie et des foyers artistiques de Mathurâ et de Sârnâth, dont les créations ont inspiré les artisans des confins de l’empire. Au début du parcours, les monnaies d’or s’offrent comme miroir de la dynastie, symbolisée par l’aigle Garuda. Souverains de confession vishnuite, les Gupta sont les commanditaires de temples et statues vecteurs de la croyance hindouiste. Ils laissent toutefois s’épanouir les cultes jaïns ou bouddhistes, comme en témoignent les salles suivantes, qui donnent à voir les merveilleuses têtes de bouddhas en grès rouge ou beige de l’école de Mathurâ ou de Sârnâth. Paupières baissées, sourcils finement arqués et traitement délicat des boucles de cheveux confèrent à ces visages une douce sérénité. La pureté des formes et l’harmonie des proportions font de ces pièces des archétypes de la sculpture bouddhique pour l’Asie du Sud-Est, la Chine et le Japon. Comme un livre ouvert, le panneau de grès dénommé Les Scènes de la vie du Bouddha relate le destin du Bienheureux. Quant à Vishnu, dieu des Gupta par excellence, il arbore un hiératisme majestueux. Le visiteur ne restera pas non plus insensible aux formes voluptueuses d’une Divinité fluviale, sculptée sur le jambage d’une porte de temple, et qui semble affecter une posture de danse. La transparence de son vêtement et sa poitrine voluptueuse nous révèlent la part de sensualité du style gupta. Celle-ci est également perceptible sur les photographies des fresques d’Ajantâ qui restituent avec magie d’étonnantes scènes de palais.

Un art rayonnant
Au regard de la richesse des premières salles, l’espace suivant, consacré aux œuvres « profanes » en terre cuite, pourrait paraître moins éblouissant. Pourtant, certains éléments décoratifs issus des temple ne manquent pas de virtuosité plastique et de piquant, laissant transparaître l’humour du dramaturge Kâlidâsa. La Scène de genre représentant peut-être les amours d’une femme de la cour avec son bouffon en est la meilleure illustration. La dernière partie de l’exposition met en évidence le rayonnement exceptionnel de l’art gupta dans les régions frontalières de l’empire, au moment, paradoxalement, où le pouvoir s’affaiblit. Ainsi, le splendide couple de vidyâdhara, êtres célestes mythiques, est l’œuvre d’artistes qui, en territoires voisins, témoignent d’un savoir-faire au moins égal à ceux des ateliers gupta.
Illuminées par les baies du Grand Palais, ces sculptures sacrées s’offrent au visiteur dans une mise en scène réussie, accentuant la dimension spirituelle et l’intimité entre l’œuvre et le spectateur. Il n’est pas certain qu’elles sortent une nouvelle fois de leurs temples muséaux d’Extrême-Orient. Certes, les reliefs de Deogarh n’ont pu faire le voyage, mais ce parcours dans l’Inde gupta démontre les innovations iconographiques et la perfection plastique de l’époque. Sensible au message de cet art sacré, Jean-François Jarrige souligne justement que « cette exposition est un hymne à la beauté [qui] nous parle de l’Inde, mais surtout de la profondeur de l’âme humaine ».

L’âge d’or de l’Inde classique. L’empire des Gupta

jusqu’au 25 juin, Galeries nationales du Grand Palais, place Clemenceau, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, tlj sauf mardi 10h-22h, mercredi jusqu’à 22h. Catalogue, éd. RMN, 320 p., 55 euros, ISBN 978-2-7118-5212-3

L’EMPIRE GUPTA

- Commissariat général : Jean-François Jarrige, président du Musée national des arts asiatiques-Guimet, et feu Munish Chandra Joshi, directeur général honoraire de l’Archaeological Survey of India - Commissariat scientifique : Amina Okada, conservatrice en chef ; Thierry Zéphir, ingénieur d’études (Musée Guimet) ; J. E. Dawson, conservateur au National Museum à New Delhi - Nombre d’œuvres : 108 - Scénographie : Renaud Piérard

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : La cour gupta s’invite à Paris

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