Donation

Tableaux modernes

Donation ratée

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 1 août 2007 - 660 mots

Légués à la Ville de Bordeaux, puis rendus aux ayants droit par décision de justice, les tableaux de la collection René Domergue seront dispersés à Drouot.

PARIS - C’est l’histoire d’un legs avorté. René Domergue voulait réunir à Bordeaux, au sein d’une « Fondation Jean-Gabriel Domergue », sa collection de tableaux modernes ainsi que les œuvres de son frère, le peintre Jean-Gabriel. Sa ville natale devait quant à elle créer la fondation. Selon des dispositions testamentaires datées du 4 mai 1981, Domergue lègue à la Ville de Bordeaux tous ses tableaux. Après son décès en 1988 à l’âge de 96 ans, et malgré les réticences du seul héritier du défunt, M. Larue, réticences dues au fait que la charge paraissait inexécutable, la Ville de Bordeaux exige la délivrance du legs, qui intervient en janvier 1993. Lorsque M. Larue décède à son tour en 1999, ses ayants droit constatent qu’aucune fondation n’a été créée. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Bordeaux en révocation de legs pour inexécution des charges. La municipalité réagit en créant en juin 2000 une fondation abritée par la « Fondation de France ». Mais la justice donne raison aux ayants droit, prononce la révocation du legs pour non-respect des clauses testamentaires et ordonne, par un jugement rendu le 13 novembre 2001, la restitution des biens aux ayants droit. La cour d’appel de Bordeaux confirme la décision de première instance par un arrêt du 18 octobre 2004. La Ville de Bordeaux se pourvoie en cassation et refuse de restituer la collection au motif que celle-ci, entrée dans le domaine public municipal, est inaliénable, chaque œuvre ayant reçu un numéro d’inventaire du Musée des beaux-arts de Bordeaux. La Cour de cassation, par une décision du 14 septembre 2006, rejette le pourvoi du légataire. Aux termes d’un marathon judiciaire de plus de sept années, la Ville de Bordeaux s’incline avec mauvaise grâce et restitue la collection aux ayants droit le 15 mars 2007, soit dix-neuf ans après le décès de René Domergue.

Un bel ensemble de Valtat
La collection René Domergue, regroupant plus de 170 œuvres essentiellement postimpressionnistes et fauves, réalisées entre 1889 et 1930, sera portée aux enchères le 21 juin sous le marteau de Jean-Jacques Mathias. Elle constitue l’une des plus belles ventes de la saison à Drouot. Elle comporte un noyau dur formé d’un ensemble d’une quarantaine d’œuvres de Louis Valtat. René Domergue, auteur des préfaces des rétrospectives posthumes du peintre en 1953 en 1956, décrit Valtat comme le premier des fauves. Près du bateau sur la plage (vers 1899) ; Le Train bleu (vers 1903) ; Reflets dans l’eau (vers 1902-1903) ou encore Voiliers au port (vers 1905) sont quelques-unes des toiles les plus importantes livrées aux enchères. Estimées entre 50 000 et 80 000 euros, elles ont toutes été exposées lors de la rétrospective organisée par la Galerie des beaux-arts de Bordeaux en 1995. Autour de Valtat prennent place d’autres maîtres du fauvisme, parmi lesquels certains sont un peu tombés dans l’oubli, tel Jean Puy dont on admirera un Nu assis de 1902, estimé 15 000 euros. Isolée mais remarquable, la toile d’Émile-Othon Friesz, Paysage méditerranéen (1905-1907), estimée 40 000 euros, rappelle les influences cézanniennes. La section postimpressionniste est dominée par Georges d’Espagnat, qui présentait pour René Domergue « un mélange de lyrisme, de tendresse et de poésie ». Son travail est notamment illustré par Les Blés roux, huile sur toile de 1902 estimée 15 000 euros. Elle accueille également Armand Guillaumin, Maxime Maufra ou Albert Lebourg et un plaisant petit panneau d’Henri Martin, Barques sur la grève à Collioure (vers 1920), estimé 10 000 euros. Exception à la règle de l’homogénéité de la collection, trois œuvres de Sayed Haider Raza des années 1950, correspondant au début de sa carrière, estimées de 40 000 à 80 000 euros, sont des surprises réjouissantes pour les amateurs de ce peintre abstrait indien de l’école de Paris à la cote grandissante.

COLLECTION RENÉ DOMERGUE

Vente le 21 juin à 19 heures à Drouot-Montaigne, 15, avenue Montaigne, 75008 Paris, SVV Mathias, tel. 01 47 70 00 36 ; expositions publiques : le 19 juin 12h-21h, le 20 juin 10h-21h, le 21 juin 10h-16h, www.blm-auction.com

SVV Mathias

- Expert : Cabinet Schoeller - Estimation : 1,5 million d’euros - Nombre de lots : 189

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : Donation ratée

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