Conservation

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 870 mots

Seuls 81 % des établissements disposent d’un inventaire complet des collections. Autre constat : la faiblesse du rôle du musée en France comme lieu de recherche

Plusieurs critères jouent un rôle crucial dans ce sous-classement dédié à l’une des missions fondamentales du musée : la conservation des œuvres. Arriver en tête revient en effet à résoudre une savante et délicate équation : tenir à jour ses inventaires, étudier ses collections, en établissant notamment des dossiers d’œuvres et en publiant des catalogues, les enrichir, les restaurer si besoin, renouveler leur présentation, le tout grâce à un personnel scientifique présent en nombre suffisant au sein de l’institution. Autant dire qu’à ce jeu-là et notamment en termes humains, les grands établissements partent avec de sérieux avantages. L’hégémonie du Louvre est toutefois battue cette année par le Musée national d’art moderne, qui lui vole la pôle position d’une courte tête grâce à une documentation couvrant 100 % du champ des collections, alors que le Louvre avoue ne détenir que 40 % de dossiers d’œuvres. Toutefois, quelques outsiders bousculent les lignes et créent la surprise. Ainsi des Abattoirs, Musée d’art moderne et d’art contemporain de Toulouse, qui se hisse cette année à la 4e place (contre la 15e l’an passé). Les raisons du succès sont plurielles : récolement récent (lire ci-dessus), inventaire complet des collections, renouvellement fréquent de l’accrochage. Et pour l’année 2006, le musée a bénéficié d’importantes acquisitions (une trentaine de pièces pour plus de 600 000 euros grâce à un report des crédits de 2005). Rouen, Caen, Nantes, mais aussi Strasbourg et Grenoble s’en sortent bien, alors que les musées Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, Ingres de Montauban (lire p. 18) et Maurice Denis de Saint-Germain-en-Laye créent véritablement la surprise. Espérons qu’en ce qui concerne ce dernier, ces bons résultats inciteront ses autorités de tutelle à lancer enfin les travaux d’agrandissement qui lui permettront de bénéficier de nouvelles salles d’exposition.

Des inventaires inégaux
Une étude plus fine des données permet par ailleurs de relever plusieurs tendances. D’après les informations collectées, seuls 81 % des établissements disposeraient d’un inventaire complet de leurs collections. Ce taux s’abaisse à 51 % lorsqu’il s’agit de recensements informatiques. Près d’1/5e des établissements avouent donc ne pas disposer d’un inventaire complet, statistique pour le moins inquiétante pour la bonne connaissance des collections. Et la médiocre qualité des réponses concernant les dates de récolement tend à indiquer que la pratique de vérification physique des inventaires – en théorie décennale – est encore loin d’être entrée dans les mœurs. De nombreux établissements n’ont ainsi tout simplement jamais pratiqué de récolement. Cette statistique confirme les conclusions du rapport Collinet qui préconisait « la mobilisation de moyens pour planifier techniquement et budgétairement la réalisation des inventaires de toutes les collections patrimoniales publiques » (Éthique de la conservation et de l’enrichissement du patrimoine culturel, rapport remis au ministre de la Culture, juillet 2005).

L’ampleur des collections reste méconnue
À leur décharge, de nombreux conservateurs arguent ne pas avoir le temps de répondre à cette mission première faute d’effectifs. Difficile, dans ce contexte, de plaider pour un enrichissement continu des collections quand on n’a pas de véritable connaissance de leur ampleur… De fait, en termes de développements, la valeur totale est loin d’atteindre des records : 60 millions d’euros pour la totalité des musées – dont 24 millions pour le seul Musée du Louvre –, essentiellement grâce à des libéralités (mécénat, donations, legs, dations). L’État et les collectivités n’assument donc plus que partiellement cette mission. Encouragé tous azimuts, le mécénat butte toujours sur l’absence de personnel qualifié en interne, seul le Musée du Louvre disposant d’une véritable force de frappe avec une cellule constituée de vingt-trois personnes. Autre constat fort de ce sous-classement : la faiblesse du rôle du musée comme lieu de recherche, à l’exception notable de quelques grands établissements (Louvre, Orsay mais aussi Guimet, qui dépassent la barre des 2 400 chercheurs par an). Le Musée de la musique, ouvert en 1997 à Paris, a lui aussi privilégié la constitution d’un pôle scientifique, articulé entre un centre de documentation et un laboratoire de recherche et de conservation sur les instruments de musique. Toutefois, à la différence des musées américains, la plupart des établissements français n’accueillent qu’un nombre limité de chercheurs (34 800 au total pour 2006). Si des salles de documentation existent, elles ne disposent pas toujours des infrastructures et de la documentation suffisantes pour les rendre attractives.

Ne rien céder à la qualité scientifique

Florence Viguier, conservateur en chef du Musée Ingres à Montauban «L’année 2006 a été marquée par le succès de l’exposition « Ingres et l’antique ». Nous menons une politique d’expositions très active qui procure une visibilité au musée, sans rien céder à la qualité scientifique. Ceci nous permet de justifier les crédits engagés par notre tutelle. Une politique de rénovation globale du musée a en effet été entreprise. Notre volonté a été d’initier ce chantier par la construction de nouvelles réserves qui seront achevées d’ici quelques mois ; ce qui nous a offert l’occasion d’initier un important travail sur les collections (récolement, informatisation…). Le chantier se poursuivra par une seconde phase destinée à rendre fluide le parcours de visite et à améliorer l’accueil du public, grâce, notamment, à l’installation d’un ascenseur. Ce qui n’est jamais simple dans un palais épiscopal protégé au titre des monuments historiques ! »

Trois récolements depuis 2000

Alain Mousseigne, directeur des Abattoirs, Musée d’art moderne et contemporain de Toulouse «Nous avons effectué un récolement total des collections en 2005. Ce doit être le troisième depuis notre ouverture en 2000. Certes, le musée ne compte que 2 400 numéros mais, pour ma part, j’estime que le récolement, par la fréquentation des œuvres qu’il permet, offre la possibilité d’avoir une meilleure connaissance de la collection. La principale difficulté est d’avoir suffisamment de personnel pour le mettre en œuvre, notamment pour l’art contemporain, car certaines installations doivent être entièrement déployées afin d’en contrôler l’état »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°260 du 25 mai 2007, avec le titre suivant : Conservation

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