Dynamisme des musées

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 1105 mots

Le Musée du Louvre conserve sa première place. Constance de notre palmarès, les musées du Nord au sens large – Roubaix, Amiens, mais aussi Lille – se hissent dans le haut du classement.

Quelques sur prises viennent bousculer cette section du palmarès dévolue au « dynamisme » ou « intérêt » des musées, dominée en toute logique par les grands musées parisiens (Orsay et le Louvre en tête). D’abord le Musée d’art et d’industrie – La Piscine de Roubaix, dont le rythme et la qualité des expositions, associés à une fréquentation soutenue et à une politique culturelle ambitieuse de la part de la ville mais aussi de la région Nord-Pas-de-Calais, lui assurent la 3e place. Pour la quatrième année consécutive, le Musée des beaux-arts d’Amiens flirte avec les têtes de liste. L’institution picarde est un « bon élève » dans toutes les matières de cette section : rythme d’expositions, riche parcours permanent, nombre important des œuvres en dépôts ou en prêt, fréquentation soutenue, organisation de conférences, budgets d’acquisitions et de restaurations conséquents… Ces deux dernières thématiques ont permis au Musée des beaux-arts de Lille de faire son entrée à la 11e place de ce classement, avec respectivement 457 000 euros et 340 000 euros dévolus par la Ville aux acquisitions et aux restaurations. Dans ce domaine, saluons la générosité des villes de Strasbourg et de Tours, puisque la première a accordé à son Musée d’art moderne et contemporain 3,6 millions d’euros et la seconde, à son Musée des beaux-arts, 700 000 euros. Globalement, la valeur totale des acquisitions de nos musées français s’élève à 60 millions d’euros (dont 17 millions pour le Louvre, 5 millions pour Guimet et près de 3 pour le Musée national d’art moderne (MNAM) – Centre Pompidou). Qui a dit que gratuité rimait avec désengagement des tutelles ? Certains musées, dont l’entrée est pourtant libre, ont bénéficié de budgets importants pour entretenir ou enrichir leur patrimoine. Ainsi du Musée des beaux-arts de Dijon qui a reçu 1,3 million d’euros pour restaurer ses œuvres et se lance dans de grands travaux de rénovation. Le Musée de l’armée (dont les travaux titanesques sont en cours) a, pour sa part, récolté plus de 10 millions d’euros pour initier un vaste chantier de restauration de ses collections, contre 19 millions pour le Centre Pompidou et 3 millions pour le Musée du Louvre. Comme le résume Jean-Marc Léri, directeur du Musée Carnavalet, à Paris, « les restaurations ne sont jamais assez importantes pour un conservateur. Sur un ensemble de plus de 800 000 pièces, nombreuses sont celles qui mériteraient qu’on s’y attarde, mais c’est une véritable gageure pour nos tutelles ! » Si l’entrée en 6e position du Château de Versailles – alors dirigé par la nouvelle ministre de la Culture – est peu surprenante au regard des moyens dont il dispose, celle du Musée-château d’Annecy l’est beaucoup plus. Structure pour le moins complexe, cette institution dépend de la Communauté d’agglomération d’Annecy et travaille en étroite relation avec un animateur de l’architecture et du patrimoine nommé par la ville (lire l’encadré p. 17). Depuis les années 1980, le musée s’est distingué en se constituant une collection d’art contemporain et en se consacrant au cinéma d’animation. Fraîchement rénové, le Musée des beaux-arts d’Angers fait une entrée remarquée dans ce palmarès, tout comme le Musée Ingres de Montauban (qui passe de la 22e à la 14e place), ce dernier ayant bénéficié, notamment de la grande rétrospective du Louvre, première depuis 40 ans consacrée à l’artiste. Quant au Musée des beaux-arts d’Orléans, la nette augmentation du nombre de ses visiteurs serait, selon sa directrice, Isabelle Klinka, la conséquence de son exposition « Promenons-nous dans Orléans en 2015 » dont la gratuité a été imposée par la municipalité. Mais on peut regretter que ce Musée, qui possède un très beau fonds d’art graphique, ne dispose plus de conservateur spécifique pour s’en occuper…

Données relatives
En outre, certaines données de ce palmarès sont à relativiser : s’il ressort que la plupart des musées ont un service mécénat, il s’agit, pour la plupart des cas, de charges de travail supplémentaires ajoutés à un poste déjà existant (relations publiques, communications…). Seul le Musée du Louvre et le Quai Branly sont réellement bien dotés en la matière, et même des institutions comme le Musée d’Orsay ne disposent pas de personnel strictement dévolu à cette lourde tâche. Le dynamisme d’un musée ne saurait se résumer à ses recettes commerciales (billetterie et librairie), domaine où les inégalités entre moyennes et grandes structures sont les plus criantes. Les colosses parisiens arrivent, bien sûr, en tête : d’abord le Louvre (plus de 75 millions d’euros engrangés et pourtant moins de la moitié de son budget annuel) et le Château de Versailles (près de 35 millions d’euros) puis Orsay, le MNAM, Guimet, le Musée des  arts déco, mais aussi le Musée de l’Armée qui profite du nombre accru de visiteurs sur le site des Invalides. Sans oublier le Musée Jacquemart-André et le Musée Rodin (plus de 6,5 millions d’euros chacun) à Paris, l’une des villes les plus visitée au monde. En région, seuls le Musée des beaux-arts de Lyon (classé 7e), l’Historial de la Grande Guerre, à Péronne, et le Centre historique minier de Lewarde (Nord), dépassent le million d’euros annuels. Qu’ils soient établissements publics, structures municipales, départementales ou rattachés aux Communautés d’agglomérations, tous les musées sont aujourd’hui soumis à une logique de rentabilité. Ils devront néanmoins préserver les domaines essentiels de leur fonction, à savoir la conservation, condition sine qua non de leur dynamisme.

L’union fait la force

Forte d’une politique d’exposition dynamique, Musée d’art et d’industrie — La Piscine, à Roubaix, collabore régulièrement avec le Musée Malraux du Havre et le Musée d’art moderne de Céret. Bruno Gaudichon, son directeur, analyse le succès de ce travail en équipe : «La coproduction et les partenariats privés sont les deux conditions indispensables pour monter une exposition d’envergure. Comme nos collections englobent les mêmes périodes de l’histoire de l’art et que nos villes ne sont pas concurrentes, depuis 2003, je travaille régulièrement avec le Musée Malraux du Havre et le Musée d’art moderne de Céret. Les relations personnelles jouent beaucoup, nous nous entendons particulièrement bien. Cette collaboration est très intéressante pour des musées de notre taille où il n’y a qu’un seul conservateur, souvent accaparé par les tâches administratives. C’est très stimulant humainement, intellectuellement et c’est indispensable en termes budgétaires – à titre d’exemple, à Roubaix, nous n’aurions pas pu assumer seuls les coûts de transport de l’exposition « Friesz ». Bien sûr, il y a quelques handicaps, puisque certains établissements rechignent à nous prêter leurs œuvres sur une année entière. Aujourd’hui, un musée de notre envergure ne peut envisager de travailler en solo. La Piscine fait aussi partie du réseau des conservateurs du Nord-Pas-de-Calais, une association dont la vitalité a eu un poids décisif dans le choix du Louvre à Lens. »

L’ouverture au territoire Par ses collections hétéroclites et son rapport particulier au territoire, le Musée-château d’Annecy est un lieu unique et complexe. Décryptage avec Yann Bazin, animateur de l’architecture et du patrimoine : «Ici, à Annecy, Les visiteurs viennent voir un château et découvrent un musée. Un lieu polyvalent dont les collections concernent aussi bien les sciences d’histoire naturelle que les beaux-arts. Ce qui singularise ce musée, c’est la constitution depuis les années 1990 d’une collection d’art contemporain, avec des artistes comme Penone, et aussi une ouverture au cinéma d’animation. La bonne fréquentation touristique du musée lui a assuré le soutien des collectivités de Haute-Savoie. Maintenant, il est temps de passer à l’étape suivante : avec la directrice, Brigitte Liabeuf, et les conservateurs de chaque département, nous avons pour ambition de dynamiser ce musée et de l’ouvrir aux habitants de notre collectivité. C’est la raison de ma présence au sein de l’institution. Depuis 2003, la Communauté d’agglomération d’Annecy est labellisée Ville d’art et d’histoire, ce qui a entraîné ma nomination comme animateur de l’architecture et du patrimoine. Je suis le seul de cette profession qui soit intégré à un musée, ce qui nous permet de travailler en symbiose avec les équipes scientifiques. » De vrais amis Jean-Marc Léri, directeur du Musée Carnavalet à Paris, souligne le rôle fondamental de la Société des Amis pour son établissement : «Le public vient beaucoup plus au Musée Carnavalet pour ses collections permanentes que pour ses expositions. Nous avons la chance de bénéficier d’une Société des Amis très active, qui fait rentrer beaucoup d’argent. En termes d’acquisition, le budget a connu un accroissement notable ces dernières années grâce à eux. Ils s’occupent aussi de faire connaître le musée, organisent des conférences, des visites, participent réellement au rayonnement du musée. Mais ils ne travaillent qu’à l’enrichissement des collections permanentes, c’est-à-dire qu’ils n’empiètent pas sur le territoire de la Ville de Paris qui, elle, a pour charge d’entretenir ses collections. Cet équilibre entre la tutelle et la Société des Amis est indispensable pour le bon fonctionnement d’un musée ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°260 du 25 mai 2007, avec le titre suivant : Dynamisme des musées

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