Ursula Krinzinger, galeriste à Vienne (Autriche)

« Paris peut arriver en première ligne »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 729 mots

 Votre liste d’artistes compte une trentaine de noms. Comment peut-on s’occuper d’autant de créateurs en même temps ?
Ma galerie existe depuis trente-six ans. Si on regarde bien, on constate que toutes les enseignes d’un certain âge comptent plus de trente artistes. Mais cela ne veut pas dire qu’on travaille avec tous de manière continue. J’ai commencé avec les actionnistes viennois, auxquels se sont ajoutés les artistes de la côte ouest américaine, puis Erwin Wurm, l’Atelier Van Lieshout ou encore Jonathan Meese. Ces derniers font partie du noyau dur des six à dix artistes dont nous nous occupons sur les foires, et pendant l’année. J’intègre aussi à ma liste de très jeunes artistes, mais je ne me suis pas totalement décidée sur la nature de notre collaboration future.

Vous avez bâti votre réputation sur les actionnistes, mais aussi les artistes de performance comme Chris Burden ou Gina Pane. En trente ans, un marché s’est-il créé pour ce genre de pratique ?
Je peux dire avec satisfaction que les actionnistes sont dans tous les musées du monde entier. Dernièrement, après avoir montré sur Art Basel Miami Beach des pièces de Rudolf Schwarzkogler, j’ai vendu des chefs-d’œuvre au Museum of Modern Art de New York. Aujourd’hui, les actionnistes sont devenus des classiques modernes. C’est un mouvement bien accepté par les directeurs de musées et les collectionneurs. Les prix ont du coup progressé. Les photos de Schwarzkogler des années 1970 valent entre 20 000 et 50 000 euros pièce ; les dessins commencent à 50 000 euros, mais il n’y en a presque plus. Quand j’ai commencé voilà trente ans, ces œuvres valaient un centième de ces prix-là. En revanche, il est regrettable que Gina Pane ne soit pas représentée par une galerie importante en France. Il y a un vrai travail à faire pour qu’elle soit dans les grands musées.

Votre liste compte plusieurs artistes russes. Comment jugez-vous la flambée de leurs prix ?
Je me rappelle que, lorsque je suis allée vers 2000-2001 dans les ateliers de [Vladimir] Dubossarsky & [Alexander] Vinogradov et Valery Koshlyakov, ils travaillaient dans des caves ou des maisons désaffectées. Aujourd’hui, ces artistes sont devenus des héros en Russie et ailleurs, et ils disposent de grands ateliers. Ils ont été très vite acceptés internationalement. Les prix pour Dubossarsky & Vinogradov sont dix fois supérieurs à ceux de 2000. Pour d’autres artistes, c’est quatre à cinq fois plus cher. Je veux continuer, mais je me demande si les collectionneurs très pointus peuvent encore suivre cette flambée. Je continue toutefois à regarder du côté de la Russie. Par exemple, dans notre project room, la galerie XL propose actuellement une exposition de jeunes artistes très conceptuels.

Vous êtes une marathonienne des foires. Est-ce parce que vous vous sentez excentrée à Vienne ?
Originellement, j’ai fait les foires parce que j’étais basée à Vienne et qu’à l’époque peu de collectionneurs autrichiens achetaient à un niveau international. J’ai commencé il y a trente ans à la Foire de Bâle, j’ai ensuite participé à la première édition de la FIAC [Foire internationale d’art contemporain], à Paris, puis à la foire de Cologne. Quand vous participez aux événements majeurs, les autres salons vous réclament. Mais je veux diminuer mes participations. J’ai arrêté par exemple cette année la foire de Cologne.

Pourquoi ne faites-vous plus de foires en Allemagne alors que ce pays est l’un des plus riches en collectionneurs en Europe ?
Avec ses quatre halls, la foire de Cologne est beaucoup trop grande et d’une qualité douteuse. Je n’aimais plus ce salon, et pourtant, j’y avais participé pendant plusieurs dizaines d’années. Beaucoup de mes confrères de premier niveau n’y vont plus. Je réfléchis toutefois à faire Art Forum Berlin en septembre. Néanmoins, proportionnellement, il y a beaucoup de collectionneurs pointus et curieux en Belgique. Cette année, j’ai trouvé le territoire belge plus intéressant que celui allemand. De toute manière, les collectionneurs germaniques viennent tous à Art Basel ou Art Basel Miami Beach.

Vous faites toujours partie du comité de sélection de la FIAC. Comment celle-ci se porte-t-elle aujourd’hui et quelles orientations doit-elle suivre ?
Nous avons beaucoup travaillé pour convaincre Reed [propriétaire du salon] de la nécessité d’aller au Grand Palais. On s’attelle maintenant à en augmenter la qualité. La sélection sera forcément sévère car nous avons des candidats très intéressants. La FIAC a vraiment pris une place depuis l’an dernier dans le cercle des grandes foires. On a montré que Paris pouvait arriver en première ligne.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Ursula Krinzinger, galeriste à Vienne (Autriche)

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