Analyse

Droit de suite : suite

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 494 mots

À quelques exceptions près, le coeur des artistes plasticiens penche plutôt à gauche, et celui de leurs diffuseurs et collectionneurs, majoritairement droite. C’est dire si des deux côtés de la chaîne, la vision de la société, mais aussi les intérêts, divergent. Ce hiatus se mesure à l’aune du droit de suite, critiqué les galeries et les maisons de ventes, mais revendiqué par certains artistes et surtout par les ayants droit. La mise au point du décret d’application de la directive européenne, qui étend cette redevance aux galeries, a du coup fait l’objet de polémiques. Pour les diffuseurs, ce droit est un frein patent au développement du marché français. En revanche, les sociétés de prélèvement des droits d’auteur avaient dénoncé en janvier une harmonisation européenne par le bas. Ils stigmatisaient notamment le seuil de 1 000 euros, écartant selon eux des milliers d’auteurs. Dans le décret d’application de la directive, qui devait être signé par le Conseil d’État autour du 10 mai, le seuil est finalement descendu à 750 euros. Transparence Malgré les promesses faites en 2005 par le Premier ministre, Dominique de Villepin, les galeries n’ont pas obtenu de moratoire pour les artistes décédés. Mais l’État devrait leur faire une petite fleur en baissant leurs taux de cotisation à la sécurité sociale des artistes à 1 %, contre 3,3 % précédemment sur 30 % du chiffre d’affaires. Difficile en effet pour une galerie de payer deux dîmes à la fois ! La Maison des artistes n’a pas vu d’un très bon oeil cette baisse de cotisation, négociée sans concertation, et dont l’arrêté se trouve en signature au Conseil d’État. Mais ce manque à gagner serait compensé par les maisons de ventes publiques, lesquelles devraient désormais s’acquitter d’une cotisation de 1 % sur la commission vendeur ou acheteur.

L’État prendrait enfin en charge la différence. « Mais l’État tiendra-t-il son engagement et sur combien d’années ? », s’interroge l’artiste Antoine Perrot. Pour les galeries, la baisse de cette contribution n’a rien de dramatique. « Si le régime était déficitaire, ce serait choquant. Mais, malgré la baisse de la cotisation, le régime reste excédentaire », assure un galeriste. La réduction de cette cotisation n’est d’ailleurs qu’un cadeau tout relatif aux galeries, car il ne compense pas vraiment l’application du droit de suite. Ce que les professionnels ne mesurent pas encore, c’est la nouvelle transparence qu’induit le droit de suite. Comme cette redevance est déclarative auprès des sociétés de perception, les créateurs sauront précisément à quel prix leurs oeuvres sont vendues par les galeries.

« Ce n’est pas un problème pour les artistes avec lesquels on travaille et qui sont au courant des prix, mais cela peut être gênant pour ceux qui ont quitté la galerie et qui n’apprécieront pas qu’on brade ou qu’on prenne des marges énormes sur les oeuvres qu’on a encore en stock », murmure un marchand. Cette redevance pourrait en tout cas conduire à repenser les relations entre les artistes et leurs diffuseurs.
 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Droit de suite : suite

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