Analyse

Question de contrat

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 529 mots

Contrairement aux autres marchés, celui de l’art est le seul à brasser autant d’argent avec une régulation et une déontologie aussi minimes, voire inexistantes. Le bras de fer domine ainsi souvent les rapports, aussi bien entre les galeries et leurs artistes qu’entre les marchands et leurs collectionneurs.
Si les hostilités sont depuis longtemps ouvertes aux États-Unis, le Mercato s’accélère en revanche depuis un an pour les artistes en France. Dans la foulée d’une stratégie mise en place par Marian Goodman, la galerie Yvon Lambert joue de sa vitrine new-yorkaise comme d’un aimant pour proposer un pack complet aux artistes qu’il convoite. Une démarche d’abord éprouvée avec Charles Sandison, récupéré chez Frank Elbaz (Paris), et confirmée avec Loris Gréaud, lequel a abandonné sa galerie incubatrice gb agency (Paris). Mais Lambert a perdu en cours de route Claude Lévêque, parti rejoindre Kamel Mennour (Paris). Nous sommes visiblement à mille lieues de la fidélité d’un Bruce Nauman envers son marchand Sperone Westwater (New York)…
Dans un contexte où tous les coups bas sont permis, les galeries ne devraient-elles pas instaurer des contrats avec leurs artistes ? Aux États-Unis, Pace-Wildenstein (New York) et Robert Miller (New York) le font en assurant des salaires mensuels à certains de leurs poulains. « Un contrat serait difficile à mettre en place et un artiste ne l’accepte que lorsqu’il n’est pas connu, objecte toutefois le galeriste parisien Emmanuel Perrotin. Quelle serait la durée de validité d’un tel contrat ? Cinq ans ? Le problème est que l’artiste a en tête les échéances et sait qu’il a la possibilité de s’arrêter. Ça provoque des choix parfois automatiques. » Pour son confrère Jérôme de Noirmont, « un contrat est fait pour être cassé. Si demain Jeff Koons décide de ne plus faire le même travail qu’avant et ne réalise que des tableaux blancs, que peut faire son galeriste ? N’importe quel artiste peut stopper un contrat en ne faisant pas ce qu’on attend de lui. » Alors que certaines enseignes puissantes cherchent à menotter les artistes avec la carte du service maximum, quelques créateurs préfèrent tirer eux-mêmes les ficelles. L’artiste Tatiana Trouvé a ainsi intégré la galerie Almine Rech à Bruxelles et celle d’Emmanuel Perrotin à Miami. Après les avoir testées à l’étranger, sans doute choisira-t-elle celle qui la représentera à Paris.

Collectionneur sous contrat
Si les relations contractuelles avec les artistes semblent vouées à l’échec, qu’en est-il des contrats avec les collectionneurs ? Ce principe, adopté dès les années 1990 par la galeriste new-yorkaise Andrea Rosen donne aux marchands un droit de regard sur une revente. Mais là encore, les boucliers se lèvent. « Dans tous les autres domaines, lorsque vous achetez quelque chose, vous en êtes définitivement propriétaire, s’indigne l’auctioneer Simon de Pury. Aujourd’hui, on cherche à intimider les acheteurs d’art contemporain, mais c’est contre-productif. » Certains exemples lui donnent raison. Ainsi, la galerie Marianne Boesky (New York) s’est-elle laissée prendre à son propre piège avec les contrats engagés sur les pièces de Takashi Murakami. Lorsque ses clients les lui ont reproposées pour une estimation trop forte, elle les a refusées. Les œuvres se sont retrouvées en ventes publiques, où elles n’ont pas toujours trouvé preneur. Elle a depuis perdu Murakami, qui, lui, n’avait pas de contrat avec elle…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Question de contrat

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