Arts décoratifs

Une comète dans le design

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 643 mots

À Paris, une rétrospective inspecte l’œuvre de Joe Colombo, «”¯l’inventeur du futur”¯», au Musée des arts décoratifs.

S’il est un designer dont la carrière fut décidément trop brève, c’est bien celle de l’Italien Cesare Colombo (1930-1971) alias « Joe Colombo ». Une comète. Il a ouvert son agence de design au début des années 1960, à Milan, mais a été emporté par un infarctus le jour de ses 41 ans. Cela ne l’a pas empêché d’être très prolixe. Pour preuve : le nombre de pièces présentées dans cette rétrospective du Musée des arts décoratifs, à Paris, qui l’avait déjà accueilli en 1969, dans l’exposition « Qu’est-ce que le design ? », en compagnie de Verner Panton, Charles Eames, Fritz Eichler et Roger Tallon. La présente monographie s’intitule « Joe Colombo, l’invention du futur ». Elle passe en revue tous les domaines dans lesquels s’est illustré le maestro : arts de la table, mobilier, luminaire, horlogerie, aménagement intérieur ou encore architecture.
L’homme qui ne voulait pas que l’on sache qu’il venait de la peinture (dixit Ignazia Favata) dessinait merveilleusement bien. Une multitude d’esquisses en témoignent. Le trait paraît facile et assuré. Une feuille de dessins truffée de carrosseries profilées trahit sa passion pour l’automobile. Plus loin, un autre croquis se révèle prémonitoire : il montre Television Shrine, un poste de télévision en plein air doté d’un auvent pour protéger l’écran des reflets. Le dessin date de 1954, Colombo est encore étudiant. Chacun appréciera combien il avait vu juste quant à la prédominance de la société de l’information. Le futur est d’ailleurs la clé de tout le parcours de Colombo. Dans un film, le designer italien Alessandro Mendini raconte qu’« Un jour, alors qu’il revenait d’un séjour au Japon, je l’ai vu avec au poignet une montre en plastique noire […]. C’était la première montre en plastique que je voyais de ma vie ». Colombo n’a de cesse de regarder vers l’avenir : de ses premiers dessins pour « la ville de demain » jusqu’à cet « habitat du futur » commandé par la firme allemande Bayer pour l’exposition « Visiona 1 » à Cologne (1969). Il expérimente avec bonheur tous les matériaux, en particulier les plus nouveaux comme les plastiques, lesquels autorisent des formes révolutionnaires. En 1967, la chaise Universale est ainsi l’une des premières à avoir été entièrement emboutie avec un seul matériau : le plastique ABS. L’ensemble d’objets ici présentés fait montre d’une incroyable invention. Fauteuils transformables, armoires à roulettes, tiroirs coulissants et autres éléments amovibles disent aussi son inclination pour la mobilité. Peu à peu, Colombo s’affranchit des murs et s’enthousiasme pour l’étude de modules intégrés multifonctions. Les éléments fusionnent en des monoblocs autonomes. Pour son appartement milanais, transformé en loft, le designer invente une vie en équilibre entre deux unités principales, ici reconstruites à l’échelle et à l’identique : d’un côté la « cellule nuit » avec le fameux lit Cabriolet, de l’autre la « cellule jour », en l’occurrence le Rotoliving, un système de cloison épaisse qui intègre télévision, chaîne hi-fi, éclairage ainsi que deux tables. Mais la synthèse de ses recherches se cristallisera dans son dernier projet : la Total Furnishing Unit, commande faite en 1971 par le MoMA de New York en vue d’une exposition consacrée l’année suivante au design italien de l’après-guerre « Italy : The New Domestic Landscape ». Sur une surface imposée de 28 m2, le virtuose Colombo concentre sa vision de la « maison du futur ». Il dessine un bloc compact de cellules qui comprend notamment la cuisine, la salle de bains, le séjour et la chambre. Chaque cellule peut être séparée de l’ensemble et utilisée individuellement ou bien fonctionner en relation avec les autres éléments du bloc. Un exploit, dont Colombo ne verra malheureusement jamais la couleur : un jaune tout ce qui avait de plus optimiste !

JOE COLOMBO, L’INVENTION DU FUTUR

Jusqu’au 19 août, Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50. Catalogue, 304 pages, 470 illustrations, éd. Vitra Design Museum/Les arts décoratifs, 59,90 euros, ISBN 978-3-931936-73-0.

Joe Colombo

- Commissaires de l’exposition : Mateo Kries et Ignazia Favata - Conception de l’exposition : La Triennale di Milano et le Vitra Design Museum, en collaboration avec le Studio Joe Colombo à Milan - Scénographie : Dieter Thiel - Nombre de sections : 4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Une comète dans le design

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