Rétrospective

Friesz, entre modernité et tradition

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2007 - 685 mots

Organisée conjointement avec les musées de Céret et du Havre, l’exposition de La Piscine de Roubaix rend hommage à un artiste longtemps négligé.

 ROUBAIX - Connu essentiellement pour sa contribution au fauvisme, Émile Othon Friesz (1879-1949) a été quelque peu occulté par l’histoire de l’art moderne. L’artiste n’avait pas fait l’objet d’une rétrospective depuis près de 30 ans – les musées des beaux-arts de La Rochelle, du Havre et de La Roche-sur-Yon avaient organisé une exposition en 1979 – et aucune monographie ne lui avait été consacrée depuis l’ouvrage de Maximilien Gauthier en 1957. Un premier catalogue raisonné de son œuvre a vu le jour en 1995 sous la plume d’Odile Aittouarès. Actuellement, dirigé par Serge Lemoine puis Philippe Dagen, David Butcher prépare une thèse qui offrira une relecture globale de son œuvre. C’est à ce jeune historien d’art que la Piscine de Roubaix, les musées d’art moderne de Céret et Malraux du Havre ont confié le soin d’une nouvelle rétrospective Friesz. Pour les trois commissaires généraux de cette manifestation dont la première étape est Roubaix, le temps est venu de « revoir Friesz, tout Friesz, et d’étudier sans a priori la construction d’un œuvre qui, à y bien regarder, traduit mieux qu’il n’y paraît au premier abord l’originalité et les hésitations, les ouvertures et les remords de la peinture française après l’impressionnisme ». Près de 170 œuvres, des peintures mais aussi des dessins, gravures et céramiques, retracent les grandes étapes de sa carrière. Après des débuts pour le moins conventionnels, Friesz trouve sa voix en s’inspirant de Guillaumin et Pissarro, comme en témoignent les scènes parisiennes de 1902 et 1903. Présent dès les premières expositions des fauves, Friesz se rend avec Braque à Anvers pendant tout l’été 1906 où il réalise d’étincelantes vues du port flamand. Le parcours fait la part belle à ce séjour anversois ainsi qu’aux paysages élaborés à Honfleur puis à La Ciotat et à Cassis en 1907, des toiles flamboyantes qui lui valurent sa renommée. L’étude de David Butcher a permis de localiser les travaux de l’artiste, éparpillés dans les collections publiques et privées françaises, mais aussi à Copenhague, Zurich ou Oslo. Le parcours révèle des œuvres quasiment inédites comme ces Baigneuses ou Demoiselles de Marseille réalisées en 1907 parallèlement aux célèbres Demoiselles d’Avignon peintes par Picasso et Luxe I de Matisse. Dans cette toile, Friesz réfléchit à une nouvelle manière d’insérer la figure dans l’espace et cherche à dépasser la leçon du paysage méditerranéen. L’artiste poursuit ensuite une voie singulière revenant, après la Première Guerre mondiale, à des sujets traditionnels tels que la nature morte, le paysage, le portrait ou le nu. Les dernières années de sa vie, Friesz produit beaucoup, parfois en cédant à la facilité dans un but purement commercial, ce qui lui vaudra une fort mauvaise réputation, tout comme sa participation au voyage en Allemagne de 1941. À cette époque déjà, et surtout après sa mort en 1949, de nombreuses copies de ses œuvres circulent. Accrédités sur le marché (notamment par la femme et la fille de l’artiste) et assimilés à d’authentiques tableaux, ces faux contribueront à ostraciser l’œuvre de Friesz pendant près d’un demi-siècle. La présente exposition et l’étude de David Butcher devraient enfin lui redonner la place qu’il mérite dans l’art du XXe siècle, entre modernité et tradition.

ÉMILE OTHON FRIESZ (1879-1949), LE FAUVE BAROQUE

Jusqu’au 20 mai, La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix, 23, rue de l’Espérance, 59100 Roubaix, tél. 03 20 69 23 60, www.rou baix-lapiscine.com, tlj sauf lundi et jours fériés 11h-18h, vendredi 11h-20h, week-end 13h-18h. Catalogue, 296 p., 39 euros, éditions Gallimard. ISBN 978-2-07-011876-2. - Au Musée d’art moderne de Céret du 16 juin au 30 septembre 2007, puis au Musée Malraux du Havre du 10 octobre au 27 janvier 2008. - Nombre d’œuvres : 170 - Budget de l’exposition : 700 000 euros - Commissariat général : Bruno Gaudichon, conservateur de La Piscine ; Joséphine Matamoros, directrice du Musée d’art moderne de Céret ; Annette Haudiquet, conservatrice du Musée Malraux du Havre - Commissariat scientifique : David Butcher, historien de l’art, avec le concours d’Odile Aittouarès

Le Chevallier en lumière

Parallèlement à la rétrospective « Friesz », La Piscine met en lumière l’œuvre de Jacques Le Chevallier (1896-1987), peintre, décorateur, verrier et illustrateur-graveur, figure majeure de l’histoire de l’art décoratif du XXe siècle. Membre fondateur de l’U.A.M. (Union des Artistes Modernes), Le Chevallier participa aux manifestations du groupe jusqu’à sa transformation en une association intitulée Forme Utile (FU) dans les années 1950 et collabora régulièrement avec Robert Mallet-Stevens. À travers quelque soixante-dix pièces, l’exposition se concentre sur les luminaires réalisés entre 1926 et 1932, une courte période qui lui permit d’innover en la matière, notamment en empruntant à l’univers industriel ses matériaux et ses techniques. « Jacques Le Chevallier (1896-1987) – La lumière moderne », La Piscine, Roubaix. Jusqu’au 20 mai. L’exposition sera ensuite présentée au Musée départemental de Beauvais (26 juin-30 septembre), puis au 15, square de Vergennes à Paris (18 octobre-9 février 2008).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Friesz, entre modernité et tradition

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