Arts graphiques

Du dessin au labo

Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 577 mots

Le Musée des beaux-arts de Rennes présente
une histoire des techniques graphiques.

RENNES - Fruit d’une rencontre entre l’art et la science, l’exposition du Musée des beaux-arts de Rennes propose, avec la collaboration du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), de pénétrer dans les coulisses du dessin. Elle ambitionne d’aller plus loin que l’image en explorant les matériaux qui la composent. Le groupe « Arts graphiques » du C2RMF a mené un travail inédit sur les matériaux de 48 feuilles du musée rennais. Pour ce faire, il a utilisé les moyens d’analyse de laboratoire les mieux adaptés à l’étude de ces œuvres fragiles. Fort d’une collection de 3 851 dessins, grâce au don de Christophe-Paul Robien (1698-1756), l’institution a offert aux scientifiques un panel de feuilles très étendu au regard de leur provenance et de leur époque de réalisation. L’occasion pour le Musée de Rennes de sortir ces œuvres de leur réserve.

Secrets dévoilés
Le parcours s’ouvre sur une présentation des outils du scientifique et de ses méthodes pour comprendre les arcanes de la plume ou du crayon. Les dessins passent une série d’examens : lumière rasante, infrarouge, ultraviolets, spectrométrie Raman et Aglaé (Accélérateur Grand Louvre pour l’analyse élémentaire, voir encadré). Tous ces moyens d’exploration de l’invisible permettent de retrouver les recettes des enduits de préparation, de la composition du tracé ou des rehauts de couleur. Cette lecture en profondeur conduit parfois à reconsidérer toutes les certitudes de l’œil du connaisseur. Il a fallu ainsi réviser la chronologie des matériaux graphiques après l’étude du Veau d’or d’Eustache Le Sueur. Datée de la première moitié du XVIIe siècle, elle a été réalisée avec du graphite alors que l’on envisageait pour l’époque que la pierre noire. Une autre surprise attendait les scientifiques avec la redécouverte d’une technique graphique oubliée : le fusain huilé. L’Étude de femme nue de Le Guerchin, qui semblait avoir été exécutée à la plume et à l’encre brune, en offre la meilleure illustration. Après cette première section consacrée aux techniques sèches et humides, le visiteur découvre les diverses fonctions du dessin, qu’il soit préparatoire, indépendant ou documentaire. C’est l’occasion pour le directeur du musée, Francis Ribemont, de dévoiler quelques-uns des chefs-d’œuvre dont il a la charge. L’enlèvement d’Orithye de François-André Vincent, accompagné de ses différentes versions préparatoires, en est un bel exemple. La dernière partie explore enfin les principales causes de dégradations des feuilles et montre le véritable dessein de cette science des matériaux : une meilleure connaissance de l’œuvre pour en améliorer la conservation.
Cette initiation scientifique permet de découvrir les dessins de grands maîtres tels que Botticelli, Dürer, Coypel, Bonnard ou Hajdu sous l’angle de la matérialité. L’initiative est inédite et la collaboration exemplaire, bien que l’on puisse regretter une certaine aridité du propos. Néanmoins, cette approche pionnière pourrait être poursuivie aux États-unis selon les vœux du directeur du musée. La science des matériaux n’est plus l’affaire des seuls spécialistes ; elle intéresse désormais le grand public.

AU-DELÀ DE L’IMAGE, LES TECHNIQUES DU DESSIN RÉVÉLÉES PAR LA SCIENCE

Jusqu’au 26 août, Musée des beaux-arts de Rennes, 20, quai Émile Zola, 35000 Rennes, tél. 02 23 62 17 45, tlj sauf lundi 10h-12h/14h-18h ; mardi en continu 10h-18h. Catalogue, 143 p., éd. Musée des beaux-arts de Rennes, 26 euros, ISBN 2-901430-44-9. - Commissaire général : Francis Ribemont, directeur du Musée des beaux-arts de Rennes - Commissaires scientifiques : Hélène Guicharnaud, conservatrice ; Alain Duval, ingénieur de recherche au C2RMF. - Surface d’exposition : 380 m2 - Nombre d’œuvres : 100

Le miracle des rayons X

Si l’appel à la science peut sembler relativement courant aujourd’hui pour la peinture, il n’en va pas de même pour les arts graphiques. Depuis 1995, avec le montage d’Aglaé (Accélérateur Grand Louvre d’analyse élémentaire), unique au monde, les spécialistes peuvent enfin analyser un dessin sans prélèvement. Auparavant, le conservateur se fiait à sa seule appréciation visuelle pour identifier les techniques graphiques, avec les limites d’une telle pratique. Le nouvel appareil, conçu comme un accélérateur de particules, fournit des indications précises sur la composition chimique des matériaux. Grâce à l’effet Raman, découvert en 1928, l’incidence de la lumière sur l’organisation des atomes permet de révéler la présence de carbone et de mieux identifier la structure de la matière. Ces moyens techniques, utilisés de façon innovante par le groupe « Arts graphiques » du C2RMF, ouvrent des perspectives prometteuses pour la connaissance du dessin et la redécouverte des procédés mis en œuvre pour la réalisation des pièces conservées dans les cabinets d’arts graphiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Du dessin au labo

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