le choix du conservateur

AXEL HÉMERY, peintures, Musée des Augustins, Toulouse

«”¯Il a insisté sur la dynamique ascentionnelle”¯»

Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 553 mots

Le Musée des Augustins de Toulouse a acquis en 2006 une esquisse du peintre baroque romain d’origine génoise Giovanni Battista Gaulli, dit Baciccio (1639-1709), représentant La Conversion de saint Paul. La collection italienne du musée est en grande partie constituée d’envois de l’Empire, essentiellement de tableaux religieux de grand format. La politique d’acquisition de ces dernières années vise à rééquilibrer la collection par l’achat de tableaux de dévotion privée et d’esquisses. Une première esquisse de Gaulli à l’iconographie typiquement jésuite, Saint Ignace de Loyola et saint François-Xavier, figure dans les collections du musée depuis 1864, mais elle n’est pas très représentative de la peinture lumineuse du maître.
Le sujet fut apprécié par les peintres en raison des possibilités expressives offertes par cette révélation foudroyante de la transcendance divine à Saül, l’un des pourfendeurs de la foi chrétienne, sur la route de Damas. Saint Paul de Tarse, juif hellénisé de Cilicie, dont le nom d’origine était Saül, était, en effet, particulièrement hostile aux chrétiens. C’est pourquoi on le représente parfois en train de garder les manteaux des hommes qui lapident saint Étienne. Le voyage qu’il avait entrepris vers Damas avait pour but l’organisation de la riposte à l’influence grandissante des chrétiens. À l’approche de la ville, une lumière soudaine aveugla Saül qui tomba et entendit le Christ lui reprocher ses persécutions. La présence du cheval n’est jamais indiquée dans les Actes des Apôtres, pourtant c’est une invention apocryphe d’une grande portée pour l’imagination des artistes.

Expressivité exacerbée
Michel-Ange à la Chapelle Paolina, Le Parmesan dans son tableau aujourd’hui à Vienne, Le Caravage, à deux reprises, ont laissé des interprétations inoubliables de ce sujet. Gaulli a patiemment médité sa composition et s’est plus particulièrement inspiré de l’invention de Ludovico Carracci pour l’église San Francesco de Bologne (aujourd’hui à la Pinacoteca Nazionale). Dans un dessin préparatoire conservé au Musée du Louvre (département des arts graphiques), il a insisté sur la dynamique ascentionnelle de l’ensemble sans décrire avec précision les différents groupes. Pour le tableau définitif, conservé à l’église San Paolo de Fiastra (province de Macerata, dans les Marches), il n’a conservé sans modification de l’esquisse que les anges et le Christ, retournant le cheval et reprenant l’idée, déclinée par Le Caravage à Santa Maria del Popolo, de saint Paul encore sur la croupe du cheval et faisant face aux spectateurs tout en regardant le Christ.
Dans sa véhémence, l’esquisse est plus confuse. Les défauts anatomiques comme l’encolure démesurée du cheval répondent à une volonté exacerbée d’expressivité. Saint Paul dégaine l’épée qui est l’un de ses attributs, mais dont la présence est pour le moins incongrue. Elle n’apparaît pas sur le tableau achevé. Tout porte à croire que notre esquisse est la première pensée, ce qui explique son caractère presque monochrome où seuls les principaux éclairages sont indiqués, sa proximité avec le dessin et les nombreux changements apportés pour la version définitive.
L’exécution rapide et nerveuse, le chromatisme discret et raffiné sont représentatifs de l’art de l’un des plus grands décorateurs européens, protégé du Bernin et créateur de la voûte du Gesù [à Rome]. Les volutes des nuages, les envols des drapés et les arabesques des formes se répondent avec la générosité et le panache caractéristiques de cette peinture.

Axel Hémery, conservateur au Musée des Augustins à Toulouse, présente La Conversion de saint Paul de Giovanni Battista, dit Bacoccio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : AXEL HÉMERY, peintures, Musée des Augustins, Toulouse

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