2007, année de consolidation

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 1143 mots

Pour ses vingt ans, Tefaf confirme du 9 au 18 mars les axes adoptés l’an dernier, notamment l’ouverture vers les arts asiatiques et le XXe siècle. Mais, la section arts primitifs a été sérieusement élaguée.

Alors même que la foire The European Fine Art Fair (Tefaf) à Maastricht fête ses vingt ans, elle enterre deux de ses fondateurs, les marchands Dave Aronson (Amsterdam) et Robert Noortman (Maastricht). Cette hécatombe ne fait toutefois pas de l’anniversaire un enterrement tant le professionnalisme de l’événement le place à cent coudées au-dessus de ses concurrents. D’après un rapport commandé par Tefaf au cabinet Jeremy Eckstein Associates, les ventes directes ou effectuées à la suite d’un contact sur la foire correspondent en moyenne à un quart du chiffre d’affaires annuel des galeries interrogées. L’enquête avance même un total de transactions sur le salon supérieur à 500 millions d’euros en 2006. Un chiffre à prendre toutefois avec des pincettes faute de pouvoir le vérifier. La diversité du salon en fait aussi sa force. « Maastricht couvre l’art d’hier, d’aujourd’hui et de demain, indique le marchand Robert Landau (Montréal). Cela met toutes choses en perspective. » Que faire de plus lorsqu’on semble au sommet ? « Il ne faut pas changer, mais il ne faut pas non plus être trop complaisant avec nous-mêmes, indique Ben Janssens, nouveau président du comité exécutif de Tefaf. L’idée est de rester au top en faisant évoluer subtilement les choses. » Si 2006 a marqué un tournant avec l’arrivée de vingt-huit nouveaux exposants, cette cuvée 2007 s’affirme davantage comme une étape de consolidation. Les axes dessinés l’an dernier, notamment l’ouverture au XXe siècle et à l’art asiatique, se confirment avec l’arrivée du poids lourd de l’art contemporain Hauser & Wirth (Zurich-Londres, lire p. 26) et du spécialiste de l’art indien et himalayen John Eskenazi (Londres).
Ces évolutions en appelleraient d’autres, notamment un renforcement du secteur des arts non occidentaux. Tefaf s’est montrée réticente face aux arts primitifs après les déboires de sa bouture Tefaf Basel. Celle-ci avait, en effet, intégré pour sa première édition des marchands de seconde zone. Le ménage s’est depuis avéré tellement drastique à Maastricht qu’il en a racorni cette section. Une situation qu’ont précipitée les départs récents des spécialistes en art précolombien Émile Deletaille (Bruxelles) et Mermoz (Paris). Ne restent depuis en lice que le marchand d’art africain Bernard de Grunne (Bruxelles) et le spécialiste de l’art océanien Anthony Meyer (Paris). « Je ne pense pas qu’on ait besoin d’être plus de trois ou quatre pour faire comprendre les choses. Plus, ce serait la foire d’empoigne », glisse toutefois Anthony Meyer. Ce dernier a réuni un aréopage de petits objets, notamment une amulette d’Irian Jaya taillée dans une dent de dugong et une figure d’ancêtre de Sepik (Nouvelle Guinée).

Faible en Art déco
Le contingent des arts décoratifs du XXe siècle, composé de Philippe Denys (Bruxelles), Downtown (Paris) et du duo Leidelmeijer & Mourmans (Amsterdam), s’avère tout aussi maigrichon. « Nous aimerions avoir deux ou trois autres marchands de plus dans ce domaine, car c’est là où va le marché, convient Ben Janssens. Mais nous n’avons pas de place pour les accueillir. Les grands changements sont difficiles à Maastricht. On aimerait aussi des marchands en art japonais et islamique et en textile asiatique. Mais c’est une chose de le vouloir, et une autre que les gens se portent candidats. »
Pour que les marchands d’art d’Extrême-Orient se bousculent aux portillons, encore faut-il développer un marketing en direction des collectionneurs asiatiques. Car, ces derniers n’avaient guère fait le déplacement l’an dernier. La clientèle russe s’avère en revanche acquise, mieux, active. En 2006, Robert Landau a ainsi vendu à des Russes un Picasso, un Miró et un Jawlensky. Une collectionneuse venue du froid avait aussi emporté une sculpture de Louise Nevelson chez Pace Wildenstein (New York). La galerie Cohen & Cohen (Londres) cherche sans doute à faire d’une pierre deux coups en proposant une assiette en porcelaine Qianlong issue d’un service de table créé pour Catherine II.
Ces trouées vers d’autres spécialités s’avèrent vitales, au vu de la raréfaction galopante dans les disciplines traditionnelles. La fraîcheur est à guetter hors des sentiers battus, du côté de l’école napolitaine mise en valeur par Maurizio Canesso (Paris). Coutumier des présentations pointues et thématiques, celui-ci accroche notamment un superbe David et Goliath de Mattia Pretti. D’autres affichent avec plus ou moins de bonheur des œuvres atypiques, précoces ou tardives, des grands noms. Ce sera le cas d’une peinture de 1907 d’Egon Schiele représentant le port de Trieste chez French & Company (New York). Cette toile, qui date de l’année où l’artiste rencontre Gustav Klimt, présage toutefois peu de sa future veine expressionniste. Avec La Colère d’Achille au sacrifice d’Iphigénie, c’est une œuvre lourde et grossière d’un David vieillissant que propose Stair Sainty (Londres). Réalisée lors de son exil bruxellois, alors que l’artiste a perdu tout souffle créateur, cette toile ne souffre pas la comparaison avec les beaux portraits récemment passés en ventes publiques.
Aux sous-produits, les amateurs préfèreront les œuvres, les vraies. Même si parfois elles ont été dévoilées sur d’autres salons. La sublime Vierge avec les anges musiciens de Dirck de Quade van Ravesteyn chez Jack Kilgore (New York) ou le luxuriant Tropic de Wifredo Lam chez Cazeau-La Béraudière (Paris) ont certes été déflorés à Palm Beach en février (lire le JdA n°253, 15 février 2007). Mais, comme les Américains ne traversent pas forcément l’Atlantique et que les Européens eux ne considèrent pas Palm Beach comme une destination fair, ces tableaux feront certainement sensation. Konrad Bernheimer (Munich-Londres) présente pour sa part un magnifique portrait de Charles Grant, Vicomte de Vaux par Louis-Roland Trinquesse, déjà en vedette à la Biennale des Antiquaires à Paris en septembre dernier. Il prévoit aussi une paire de tableaux de Jean-François de Troy issue de la vente Maurice Segoura chez Christie’s en octobre à New York. L’achat en ventes publiques n’est pas qu’affaire de facilité. Il témoigne parfois aussi d’une certaine sagacité. Il en va ainsi de la Madone à l’enfant de Francesco Traini, proposée par la galerie Giovanni Sarti (Paris). Apparu en décembre à Londres chez Sotheby’s, ce panneau avait été alors attribué à tort à Giovanni di Niccola da Pisa. Si des œuvres fraîchement acquises à l’encan tapissent souvent les cimaises des marchands, il arrive aussi qu’un tableau vu à Maastricht se retrouve en ventes publiques. C’est le cas du Saint Jacques le Majeur par Rembrandt, présenté l’an dernier par la galerie Salander O’Reilly (New York) pour le prix délirant de 45 millions de dollars et finalement adjugé pour 25,8 millions de dollars chez Sotheby’s en janvier à New York. Moralité ? Le public avisé de Maastricht n’est pas prêt à avaler n’importe quoi à n’importe quel prix !

TEFAF

- Organisation : The European Fine Art Foundation - Nombre d’exposants : 218 - Nombre de visiteurs en 2006 : 84 000

TEFAF

Du 9 au 18 mars, Maastricht Exhibition and Congress Center (MECC), Forum 100, Maastricht, tlj de 11h-19h sauf le 18 11h-18h, www.tefaf.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : 2007, année de consolidation

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