analyse

Le stock des maisons de ventes

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 497 mots

Le 7 février, Sotheby’s a fait un joli coup. En adjugeant le White Canoe de Peter Doig pour 5,7 millions de livres sterling (8,4 millions d’euros) à un acheteur russe, elle a établi un record insensé pour un artiste dont l’intérêt reste à prouver. Mais l’originalité de cette transaction est ailleurs : Sotheby’s a vendu une œuvre qu’elle avait achetée à Charles Saatchi l’année dernière ! D’après des observateurs du marché, ce tableau ne serait qu’un élément d’un lot de sept tableaux de Doig acquis par l’auctioneer pour 11 millions de dollars. Si tel est le cas, Sotheby’s aura amorti ses frais en un tour de main. « Ils ont acheté au plus grand spéculateur de la planète et l’ont battu à plat de couture », ironise un courtier américain. Pour certains spécialistes, une telle opération serait une réponse du berger à la bergère, en l’occurrence à Christie’s. Il est, en effet, notoire que son propriétaire, François Pinault, se déleste parfois dans ses ventes d’œuvres lui appartenant, pratique qui irrite les maisons concurrentes.

Propriété partielle
Sans commenter cette affaire, Sotheby’s renvoie juste au triangle jouxtant le Doig dans le catalogue de vente. Ce symbole indique que la maison de ventes possède un intérêt financier dans l’œuvre en question, voire une propriété partielle ou totale. Ce petit triangle accompagnait un autre lot du catalogue, un Chris Ofili intitulé Strange Eyes et adjugé pour 333 600 de livres sterling (495 970 euros). Dans ce cas précis, Sotheby’s s’était retrouvée propriétaire de l’œuvre bien malgré elle. Garantie mais ravalée le 9 novembre 2005 sur une estimation basse de 800 000 dollars, la pièce avait rejoint l’inventaire de la maison de ventes.
Il est d’autres arrangements financiers qui conduisent les maisons de ventes à devenir propriétaires par « accident » d’œuvres. La collection de mobilier constituée par Djahanguir Riahi et cédée par Christie’s en 2000 appartenait en réalité à l’écurie de François Pinault. D’après des spécialistes, celle-ci aurait épongé les ardoises du collectionneur iranien moyennant des œuvres.

Se constituer un stock
En fait, rien n’interdit les maisons de vente, du moins à l’étranger, de se constituer un stock.
Sotheby’s investit ainsi dans les œuvres depuis le début des années 1980. En 1977, elle avait emporté le fonds de photos de Cecil Beaton, à l’initiative de Philippe Garner, alors spécialiste de la maison en photographie. Cet ensemble conservé à Londres n’a toutefois pas vocation à être distillé au gré des ventes. Opération plus juteuse, Sotheby’s avait acquis en partenariat avec la galerie Acquavella le fonds de la galerie Pierre Matisse pour 142,8 millions de dollars en 1990. Les œuvres ont depuis été cédées de gré à gré et à l’encan.
Aujourd’hui, les auctioneers ne sont plus à une confusion près (lire p. 35). Alors que le caractère supposé transparent et événementiel de la vente publique devrait les distinguer des courtiers, ils ont développé depuis plusieurs années une activité de vente privée. Leur travail flirte ainsi davantage avec celui de marchand que d’arbitre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Le stock des maisons de ventes

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