Paroles d'artiste Dominique Gonzalez-Foerster

« La pratique artistique est un espace de dialogue »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 790 mots

À l’ARC/Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Dominique Gonzalez-Foerster s’empare de tous les espaces pour
inviter à la déambulation et à la
découverte sensorielle dans une
organisation très structurée, entre une Jetée (2007) faite de volumes élémentaires, une Promenade (2007) où l’on entend tomber une pluie tropicale, une salle de cinéma ou son fameux Cosmodrome (2001).

 Comment avez-vous construit cette exposition ?
L’exposition est vraiment mon médium, ma spécialité. Je n’ai rien à voir avec la peinture, la sculpture, ni même vraiment avec la vidéo. J’ai déjà pratiqué l’ARC, puisque c’est la cinquième fois que j’y expose. C’est un espace que j’ai l’impression de bien connaître et dont j’ai voulu complètement renouveler la perception, pousser les murs, élargir les limites. Dès l’arrivée, l’exposition commence en bas de l’escalier avec le Solarium (2007) conçu avec Nicolas Ghesquière : des sièges inscrits sur les marches et une vidéo projetée sur un écran géant incliné. Puis il y a des ouvertures. Pour aller au Cosmodrome, on sort sur une passerelle. Toutes ces espèces d’extensions sont des manières d’agrandir l’espace. Il y a en outre une sorte de reprise avec d’autres bases, parce qu’entre-temps je suis allée me promener hors champ, du côté de la musique ou de la mode. J’ai fait une pause pendant deux ans, un peu à cause d’une sensation d’usure par rapport aux espaces de galeries et de musées. J’ai donc fait de l’architecture en travaillant pour Balenciaga, approché différentes formes de musiques avec Christophe et Alain Bashung, et beaucoup de projets qui se situaient hors du musée. Au lieu de repartir à zéro, j’ai ramené toute une série de rencontres et d’expériences dans cet espace pour le transformer. C’est pour cela qu’il y a un plan de l’exposition, une signalétique… un peu comme s’il s’agissait d’une ville issue d’une modernité un peu alternative, où l’on pourrait se balader.

Vous travaillez beaucoup avec des personnalités extérieures que vous invitez. Est-ce un principe qui s’est mis en place progressivement ?
Mon premier collaborateur est le spectateur. Quand je travaille, je me mets toujours en position de spectatrice. Pour moi, la pratique artistique est un terrain de jeu, un champ social, un espace de dialogue. Les choses se sont mises en place très naturellement, ce n’est pas un programme. En revanche, il y a un besoin d’échapper à cette question de la signature et de permettre tout simplement l’émergence d’autres œuvres. Au début des années 2000, j’ai été contactée par des personnalités différentes. J’ai eu le bonheur que Christophe me demande de travailler sur son spectacle en 2002. Et que Nicolas Ghesquière m’appelle pour commencer à penser les espaces de Balenciaga. Ils m’ont tous appris beaucoup de choses. C’est ici un retour d’invitation.

La signalétique est très présente. Le titre de chaque œuvre est inscrit en grands caractères, parfois effacés, parfois très visibles…
C’est une tentative de changer l’échelle du cartel classique. On sait que l’œuvre va jusqu’au titre, au spectateur, à l’espace autour. Il y a donc ici une tentative d’intégrer les mots qui sont autour de l’œuvre, le langage, mais aussi de les mettre à cette échelle urbaine qui pour moi libère le corps de la nécessité de s’avancer vers un tout petit texte pour s’informer. Amener cette dimension plus topographique, c’est aussi échapper à la dimension objet
des œuvres et maximiser cette dimension spatiale.

Avez-vous un goût particulier pour une esthétique « économique », l’usage de formes simplifiées, de composants élémentaires comme les petites diodes dans le Cosmodrome ou dans Panorama (2007), ce grand planisphère ?
Oui, je suis pour les choses très intenses. Je crois qu’à force d’égaliser les niveaux, de contrôler, maîtriser, encadrer nos espaces et nos comportements, nous sommes vraiment en mal d’intensité. Mais pour moi, intensité ne veut pas dire pousser la musique à fond. Je pense que j’éprouve une fascination pour une sorte d’équilibre juste. Produire des intensités très fortes qui sont différentes de ce qu’on expérimente dans l’espace habituel.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de vernissage pour l’exposition ?
Je pense que le vernissage ne permet pas du tout les conditions d’expérience qui sont proposées par ces œuvres et ces environnements. Au contraire, c’est l’anti-moment d’expérience. Quand j’ai vu la tournure que prenait l’exposition, j’ai imaginé un peu ce qui se passerait avec une file d’attente énorme devant le Cosmodrome, toute cette frustration, une foule dans la Promenade, et je savais que cela ne fonctionnerait pas du tout. J’ai beaucoup aimé que l’exposition ouvre normalement un mardi matin à 10 heures.

DOMINIQUE GONZALEZ-FOERSTER %26 CIE. EXPODROME

Jusqu’au 6 mai, ARC-Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président Wilson, 75116 Paris, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, mercredi 10h-22h. Catalogue éditions Paris-Musées, 144 p., 34 euros, ISBN 978-2-75960-000-7

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Paroles d'artiste Dominique Gonzalez-Foerster

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