Mécénat - Restauration

Restauration

Miroirs, mes beaux miroirs

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 18 juillet 2007 - 654 mots

VERSAILLES

Entièrement restaurée, la galerie des Glaces du château de Versailles a retrouvé sa splendeur passée grâce à une opération de mécénat inédite en France

VERSAILLES - Aux termes d’une année d’étude et de trois de travaux, la galerie des Glaces du château de Versailles, édifiée par Jules Hardouin-Mansart de 1678 à 1682, a retrouvé son éclat d’origine (1). L’événement ne pouvait passer inaperçu, tant le déroulement des travaux s’est accompagné d’une campagne de communication tapageuse, orchestrée par le groupe BTP Vinci. Ce dernier réalise ici une opération de mécénat inédite en France, non seulement par l’importance de la somme allouée (12 millions d’euros), mais aussi par sa forme. C’est en effet la première fois qu’une entreprise privée assure la maîtrise d’ouvrage du chantier – fonction qui aurait dû de facto revenir à l’établissement public du château de Versailles, ou du moins à l’État –, dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée par le ministère de la Culture. Cette situation exceptionnelle avait créé une polémique, avant d’être balayée par l’armada des garanties scientifiques apportées.

Couleur du ciel
Tout au long du chantier, la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre – confiée pour cette dernière à Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques chargé du château de Versailles –, ont été assistées par trois comités, de direction, de pilotage et de suivi (composés de membres de l’inspection générale des Monuments historiques, de l’inspection générale de l’Architecture et du Patrimoine, du Centre de recherche et de restauration des musées de France…). Elles ont aussi été supervisées par un conseil scientifique international constitué de spécialistes tels Jean-Pierre Cuzin, Alain-Charles Perrot, Pierre Rosenberg, Jacques Thuillier ou Alain Mérot. Ces derniers ont opté pour un retour à l’état du XVIIe siècle, faisant fi des nombreuses interventions passées. La galerie avait été altérée à l’époque même de son édification, puisque les premières campagnes de restauration remontent à 1698. Les peintures ornant la voûte, exécutées par Charles Le Brun, avaient ainsi été profondément dénaturées, notamment lors de la campagne de 1950. Entièrement nettoyées et restaurées, elles font aujourd’hui ressortir les talents de coloriste de Le Brun. Les restaurateurs ont réussi à retrouver la tonalité des cieux tels que l’avait imaginée l’artiste : un bleu particulier extrait de la pierre de lapis-lazuli broyée. Le nettoyage a également mis en exergue l’éclaircissement des toiles voulu par le peintre du roi au fur et à mesure que l’on se déplace vers le sud de la galerie. Un soin particulier a été apporté aux trois cent cinquante-sept glaces dites « au mercure » (fabriquées selon une technique interdite depuis 1850 car trop nocive), lesquelles ont fait la renommée de la galerie. Les miroirs endommagés ont ainsi été remplacés par des pièces similaires stockées dans les magasins du Sénat. Provenant de différentes régions européennes, les lambris et dallage en marbre polychrome conçus par Hardouin-Mansart pour magnifier le pouvoir royal ont, pour leur part, reçu chacun un  traitement spécifique. Une entreprise incroyablement méticuleuse donc, qui selon les propres termes de Jacques Thuillier « tient du miracle » (2).

(1) lire le JdA no 165, 21 février 2003,
page 10.
(2) Jacques Thuillier, La Galerie des Glaces, chef-d’œuvre retrouvé, éd. Gallimard (coll. « Découvertes Gallimard-Arts »), 2007, 128 p., 12,30 euros, ISBN 978-2-07-034315-7.
À lire aussi : un ouvrage scientifique, La Galerie des Glaces, histoire et restauration, éd. Faton, Dijon, 2007, 418 p., 138 euros, ISBN 978-2-87844-087-4 ; pour les enfants, Valérie d’Anglejan, Versailles, la galerie des Glaces à la loupe, Éd. du Seuil/Le Funambule, 2007, 64 p., 23 euros.

Galerie des Glaces

- Maîtrise d’ouvrage : Vinci (entreprise mécène) - Maîtrise d’œuvre : Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques - Durée des travaux : trois ans (2004-2007) - Nombre d’intervenants : 100 (70 restaurateurs d’art et 30 techniciens) - Coût : 12 millions d’euros - Dimensions de la galerie : 770 m2 de surface, long. 73 m, larg. 10,5 m, haut. 12,5 m, 357 glaces, 1 100 m2 de marbre polychrome, 1 000 m2 de peintures sur toile et enduit, 32 compartiments de toiles, 20 lustres en cristal de roche, 17 portes-fenêtres

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : Miroirs, mes beaux miroirs

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