Los Angeles est la frontière, l’ultime moment de la conquête américaine ! C’est l’Amérique, la plus pure, sans complexe, la plus loin de l’arc Atlantique... Mais elle n’est pas pour autant détachée de l’art occidental. Voici huit musées d’art qui méritent le détour.
Le plus ancien musée de la ville, le Lacma (Los Angeles County Museum of Arts) est le premier musée universaliste à l’ouest du Mississippi. Les cinéphiles se souviendront que Gena Rowlands y fut guide dans Minnie et Moskowitz de John Cassavetes. On y découvre des collections incroyables d’arts mexicain, chinois, coréen, grec, japonais, indien, islamique…, toutes les différentes communautés de la ville peuvent redécouvrir leur passé. Les collections de peintures sont prodigieuses, et vont de la Renaissance à l’art contemporain : un chef-d’œuvre de Rosso Fiorentino, une résurrection de Lazare par Rembrandt, un couronnement d’épine par Honthorst, une Marie Madeleine de Georges de La Tour, une immense vue de jardin romain par Hubert Robert à laquelle répond une autre scène en extérieur de Matisse… Les deux fleurons de la collection sont Ceci n’est pas une pipe de Magritte ainsi que l’extraordinaire vue de Mulholland Drive par David Hockney. Actuellement le musée est en pleine restructuration avec un plan de réaménagement signé Renzo Piano. Cet été, ce « petit Louvre » reçoit la visite très attendue du trésor de Toutankhamon (jusqu’au 15 novembre) et présente une rétrospective du peintre hollandais Van Ruysdael (cf. p. 104). Enfin à l’automne, à l’occasion du centenaire de la mort de Cézanne, le Lacma accueillera une grande exposition sur les relations entre Cézanne et Pissarro. Par chance cette exposition viendra à Orsay au printemps 2006.
Dans le centre historique de la ville, entre le Disney Concert Hall construit par Frank Gehry et la bibliothèque centrale se trouve le Moca (Museum of Contemporary Art). Ce musée d’art contemporain qui vient de fêter ses vingt-cinq ans a été dessiné par l’architecte japonais Arata Isozaki. Il fait la part belle aux artistes d’aujourd’hui sous la houlette du commissaire Paul Schimmel, le découvreur de Mike Kelly, Paul McCarthy et Chris Burden. La collection consacrée à l’abstraction américaine des années 1950 comporte des chefs-d’œuvre de Mark Rothko, Clifford Still, Jackson Pollock et Sam Francis. Une rétrospective de Jean-Michel Basquiat vient d’ouvrir (jusqu’au 10 octobre) ainsi qu’une longue exposition sur l’architecte Jean Prouvé (jusqu’au 27 novembre 2006).
Un autre musée des plus intéressants est le Hammer Museum près du campus d’Ucla ouvert en 1990. On y trouve une collection impressionniste avec des toiles de Mary Cassatt, Van Gogh, Monet et surtout une étonnante concentration de caricatures d’Honoré Daumier. Henry Hopkins, un ancien conservateur du musée d’Art moderne de San Francisco y organise des expositions consacrées à l’avant-garde californienne, mais aussi à la photographie de la côte Est, telle celle de Stephen Shore (jusqu’au 16 octobre).
L.A. a des allures de cité-jardin en plein milieu du désert. Pour s’en rendre compte il faut aller à San Marino visiter la Huntington Library, l’ancienne maison d’Henry Edwards Huntington, le magnat qui fit fortune dans le développement du train et de l’électricité. Outre la bibliothèque qui présente des manuscrits de William Blake, Benjamin Franklin, Henry David Thoreau, Jack London… les galeries de peinture rassemblent le plus grand nombre de Gainsborough et de Reynolds au monde. Il faut aussi s’arrêter devant le bronze naturaliste de Diane chasseresse par Houdon, les tapisseries de Boucher, les vues de La Cathédrale de Salisbury de Constable et celle du Grand Canal de Venise par Turner, sans oublier Blue Boy de Gainsborough et la charmante Pinky de Lawrence. La visite ici n’est pas qu’intellectuelle car la Huntington est entourée d’immenses jardins plus incroyables les uns que les autres : un jardin japonais, un jardin de cactus, un jardin de roses... C’est un lieu très prisé par les « Angelinos » où il fait bon venir boire le thé le week-end.
Dans le même secteur se trouve à Pasadena le Norton Simon Museum. Réaménagé par Frank Gehry, le musée propose une superbe collection de Courbet, Degas, Renoir, Gauguin, Van Gogh… Ainsi qu’une Madone à l’enfant de Botticelli ! C’est sans conteste le plus beau musée de Los Angeles avec une nature morte de Zurbaran, des portraits par Frans Hals et Rembrandt. On y trouve aussi une rare sélection des artistes du Cavalier bleu : Feininger, Jawlensky, Kandinsky, Klee. Au sous-sol, on peut voir une série de sculptures asiatiques d’Inde, du Cambodge et d’Himalaya.
Le musée le plus prisé par les Californiens est sans conteste le Getty Center. Mais de façon ironique ils vont y voir la vue sur Los Angeles et le Pacifique, flâner dans les jardins entourés de la grandiose architecture de Richard Meier plus que pour les collections ! Pourtant s’y découvrent des purs chefs-d’œuvre de Martin Schongauer, Pontormo, Carpaccio… ainsi qu’une grandiose salle consacrée aux impressionnistes avec Renoir, Monet, Van Gogh, Cézanne… Seul dans une salle s’impose L’Arrivée du Christ à Bruxelles un des plus extraordinaires tableaux du xxe siècle du baron Ensor. Les expositions temporaires sont ici toujours exemplaires surtout celles qui sont consacrées à l’histoire de la photographie. Cet été (jusqu’au 28 août), le Getty propose un parcours de l’art religieux chez Rembrandt avec une quinzaine d’œuvres réunies pour la première fois.
Une visite à la fondation Weisman permet d’apprécier le goût des grands collectionneurs californiens. La fondation est logée dans une superbe villa de style espagnol sur les hauteurs de Bel Air. Accueillie par deux griffons chinois en céramique verte, entourée de sculptures de Barry Flanagan, Henry Moore, Duane Hanson, cette collection privée où il faut prendre rendez-vous, conserve des œuvres de Tanguy, Sam Francis, Clifford Still, Morris Louis, Keith Haring dans un décor digne de celui de la famille Ewing dans Dallas !
Un parcours des musées à Los Angeles ne serait pas complet sans citer The Autry Museum of Western Heritage qui retrace l’histoire de la conquête de l’Ouest. Ici on respire l’odeur de la poudre, et l’on se prend pour des cow-boys.
La plage et les musées
À Los Angeles on vient de fêter les cinquante ans de Disneyland. Les touristes et les « Angelinos » sont plutôt attirés par Mickey, les plages, les studios de cinéma… Avec le bleu du ciel californien, quelle drôle d’idée de vouloir s’enfermer dans les musées ! Mais comble du paradoxe de cette « ville de nulle part », comme l’a nommée Alison Lurie, où tout est en mouvement, c’est justement dans la diversité de ses musées que se trouve l’essence même de toutes les communautés qui la composent.
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Des chefs-d’œuvre au Far-West
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : Des chefs-d’œuvre au Far-West